Quand l’Europe sert de cheval de Troie à la casse des droits sociaux

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La compagnie aérienne à bas coût Ryanair vient d’annoncer la fermeture de son unique site situé en France, à Marseille, où travaillent 200 salarié-e-s.

La raison invoquée ? Cette compagnie fait l’objet de poursuites judiciaires pour travail dissimulé, prêt illicite de main d’œuvre et emploi illicite de personnel navigant, car __elle embauche ses pilotes sous contrat de travail irlandais et non français, ce qui est totalement illégal. Avantage pour Ryanair : pas de paiement des cotisations sociales. Conséquence pour la protection sociale : une perte d’environ 4 millions d’euros__. C’est ce dumping social sur le dos des salariés qui permet à cette société de proposer des billets d’avion moins cher. En résumé, les gains réalisés au détriment des salarié-e-s et de notre protection sociale permettent aux touristes peu cher et aux actionnaires de réaliser de substantiels bénéfices.

Ryanair n’est que le fer de lance de tous ceux qui veulent casser la législation française du travail, et pour y parvenir, l’Europe est fort utile.
__Droit français contre droit européen__

__Rappelez-vous la fameuse directive Bolkenstein. C’est exactement la même problématique.__ Quel droit du travail s’applique : celui du pays du lieu de travail ou celui du pays d’origine de l’entreprise ? La France a encore la chance d’avoir un droit du travail national qui empêche donc le dumping social entre régions ou entre branches professionnelles et qui s’impose à toute entreprise qui fait travailler des salariés en France.
L’enjeu aujourd’hui est de savoir si l’offensive lancée par le PDG de cette société irlandaise sera victorieuse et fera voler en éclat cette garantie d’égalité en termes de contrat de travail qui existe dans notre pays.
Ce sont les syndicats qui ont porté plainte afin de faire respecter le droit. Ce à quoi l’entreprise répond que cette pratique des contrats irlandais en France serait « ”totalement conforme à la réglementation de l’Union européenne pour les travailleurs mobiles des transports” ».

__Or un décret du 21novembre 2006 soumet les personnels navigants des compagnies étrangères installées en France au droit français.__

Pour la Chambre de commerce et d’industrie Marseille Provence qui gère l’aéroport, « ”en moins de quatre ans, Ryanair (…) a procuré plus de 550 millions d’euros de retombées économiques” », annonçant son intention de saisir « ”l’État et les responsables politiques régionaux pour demander l’abrogation de ce décret” ».

Pour le maire (UMP) de Marseille, Jean-Claude Gaudin, le départ de la compagnie est à mettre au crédit du « ”comportement irresponsable des syndicats” ».

__Comme d’habitude donc, c’est la faute des travailleurs qui essaient tout simplement de défendre leurs droits.__

Or, si la Chambre de commerce était honnête, elle remarquerait qu’entre 550 millions d’euros de retombées économiques et 4 millions de perte pour les comptes sociaux au moment où le déficit de ces comptes s’accroît, le compte n’y est pas. De plus, faire voler des avions à bas coûts n’est pas indispensable et augmente les déplacements aériens. N’oublions pas que le carburant des avions n’est pas taxé, contrairement au carburant pour les automobiles. L’activité de ces compagnies aériennes à bas coût est donc néfaste pour la planète et en plus, avec Ryanair, néfaste pour les comptes sociaux et les salarié-e-s.

Michael O’Leary, PDG de Ryanair, déclare : «” il ne s’agit absolument pas d’un chantage (…). Si les juges disent que la législation européenne est supérieure à la législation française, nous serons ravis de rouvrir notre base ici” ». Pas d’un chantage ose-t-il dire ?

Et évidemment la ministre de l’économie, Christine Lagarde, «” pas scandalisée” » par cette décision, n’a pas tardé à renchérir, déclarant qu’«” il faut essayer d’éviter les grands écarts qui amènent les entreprises à faire des arbitrages qui ne sont pas bons pour la compétitivité du pays” ».

Donc vive le moins disant social en Europe !

__Le Medef a déjà réclamé à plusieurs reprises la fin du droit du travail national.__ Si Ryanair remporte cette bataille, gageons que d’autres entreprises s’engouffreront dans cette faille.

D’où l’importance d’être aux côtés des syndicats dans ce conflit.


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