Dissolution : est-ce vraiment nécessaire pour Macron ?

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Le pouvoir de dissoudre l’Assemblée Nationale est une prérogative du Président de la République garantie par l’article 12 de la Constitution qu’il peut utiliser quand il le souhaite, une fois par session parlementaire (d’octobre à juin). En cas de dissolution, les élections législatives doivent être organisées dans un délai de 20 à 40 jours, en gros 3 à 7 semaines.

La dissolution est en général motivée par la volonté du président de la République d’obtenir une majorité plus confortable et n’est pas liée au vote d’une motion de censure laquelle n’implique que l’obligation de changer de gouvernement.

La seule motion de censure adoptée sous la 5ème République le 5 octobre 1962 a eu pour effet de renverser le premier ministre Georges Pompidou, à la suite de quoi le général De Gaulle, président de la République, a dissous l’assemblée. Les nouvelles élections lui ont donné une large majorité.

En dehors de cette dissolution décidée après une motion de censure adoptée, les 4 autres dissolutions depuis 1958 l’ont été par volonté présidentielle. Seule la dernière le 21 avril 1997 décidée par Jacques Chirac, s’est soldée par un échec. Les nouvelles élections législatives donnent une majorité de 319 députés à la gauche, dont 250 pour le groupe socialiste, 36 pour le groupe communiste et 33 pour un groupe regroupant le PRG des DVG et pour la premières fois des députés Verts (7) alors que la droite disposait antérieurement d’une majorité de 458 députés sur 577.

Contexte politique

La majorité présidentielle a obtenu 249 députés (à 40 députés de la majorité nécessaire) avec un score de 25,81 % au premier tour des législatives et ce après cinq ans de mandat de E. Macron. La NUPES de son côté malgré ses 26,10 % n’a obtenu que 151 députés (75 FI, 31 PS, 23 EELV, 22 GDR dont 12 PC). LR est tombée de 112 à 62 députés et de 15,77 % à 6,98 %. Par contre pour la première fois avec ce mode de scrutin, l’extrême-droite remporte 89 députés RN et 3 non-inscrits. Divers députés centristes ou régionalistes fondent le groupe LIOT avec 16 députés. Il n’y a donc pas de majorité à l’assemblée nationale.

Il reste 41 recours en cours d’instruction au Conseil constitutionnel concernant 38 députés dont 8 NUPES (4 FI, 3 EELV, 1 PC). Les frais de campagne n’ont pas encore été remboursés or il ne faut pas oublier que pour le PS, EELV, le PC et LR la campagne présidentielle n’a pas été remboursée faute d’atteindre les 5 % nécessaires. Repartir aujourd’hui en campagne poserait donc des problèmes de trésorerie à tous ces partis d’autant qu’obtenir des prêts bancaires devient extrêmement difficile.

L’abstention aux législatives de 2022 n’a augmenté que d’un point par rapport à 2017 (52,49 % contre 51,30%) alors qu’à la présidentielle la hausse a été de 4 points entre 2017 et 2022 (26 % contre 22,23%). Il y a eu moins de déperdition entre présidentielle et législatives en 2022.

La majorité présidentielle a donc perdu seulement 2,40 points après cinq ans de mandat de E. Macron. Vu les politiques qu’il a mené, c’est une faible perte. Cela signifie qu’un socle conséquent d’électeurs est satisfait des politiques menées et de son recentrage à droite toute alors qu’on aurait pu penser justement que ce recentrage lui aurait fait perdre bien plus de voix.

LR, compte-tenu de la poursuite des dissensions sur la ligne politique à adopter, opposition ou négociation avec la majorité présidentielle, craint qu’une dissolution ne les fasse perdre encore plus de députés. Coincé entre Macron et Le Pen son espace politique est extrêmement réduit. Ils n’ont donc aucun intérêt à une dissolution.

Le RN se sent sur une pente ascendante et rêve d’une dissolution qui lui ouvrirait les portes du pouvoir.

Pour la NUPES les résultats des législatives marquent un maintien par rapport à 2017. Ce qui vu le contexte d’une campagne présidentielle hargneuse des autres candidats de gauche contre Jean-Luc Mélenchon et le discrédit persistant du PS est un véritable exploit. C’est l’existence de la NUPES qui a permis à la gauche de ne pas s’effondrer, et la campagne législatives sur le thème Mélenchon premier ministre a limité la désaffection des urnes entre la présidentielle et les législatives.

En dehors du PC dont le congrès se tiendra le 9 avril 2023 tous les autres partis tiennent le leur d’ici fin janvier (EELV 29 novembre et 10 décembre, LR 3 et 10 décembre, PS 27-28-29 janvier).

Les enjeux sont importants. A droite selon le président qui sera élu, le positionnement vis à vis du pouvoir ne sera pas forcément le même et une scission n’est pas exclue en fonction du résultat. De même, côté PS, où la défaite de Olivier Faure lors du congrès entraînerait un positionnement plus conciliant vis à vis du pouvoir et une rupture de la NUPES. Enfin vu les rapports de force au sein de EELV on peut déjà savoir que la majorité qui sortira du congrès sera au moins très réticente envers la NUPES si ce n’est totalement opposée.

La NUPES serait-elle reconduite en cas de nouvelles élections ? Il faut l’espérer car sinon la leçon pourrait être sévère. Il ne faut pas oublier que la campagne sera rapide et courte et sans le préalable mobilisateur de la campagne présidentielle. Dans ces conditions l’abstention risque d’être encore plus élevée et hélas à notre détriment car ce sont les classes populaires qui se mobilisent toujours moins dans ce genre de situation. Certes il y a beaucoup de mouvements de grève en ce moment dans de nombreuses entreprises. Mais un éclatement de la NUPES aurait pour conséquences de dégoûter et démobiliser celles et ceux qui actuellement se battent contre les politiques de Macron.

Emmanuel Macron a-t-il besoin d’une dissolution ?

Aujourd’hui l’ensemble des lois de finance (Budget général, budget de la Sécurité Sociale, budgets rectificatifs) peuvent être adoptées que ce soit en première ou en seconde lecture par l’utilisation du fameux 49-3, c’est à dire l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution. Mais depuis la modification constitutionnelle de 2008, le 49-3 ne peut être utilisé que pour une seule loi hors loi de finances par session (d’octobre à juin).

D’ici la fin de l’année, en dehors du budget, les projets de loi à l‘ordre du jour vont porter sur une nouvelle loi concernant la police, une concernant l’immigration et une sur les ENR (énergies renouvelables). Sur les deux premières thématiques, le gouvernement sait qu’il peut neutraliser, au moins en partie, la droite et l’extrême-droite et obtenir une majorité relative pour les faire adopter. Le projet de loi ENR a été voté à l’unanimité au Sénat avant de venir devant l’assemblée nationale début décembre. La loi de modification de l’indemnisation chômage est adoptée grâce à une alliance de la majorité présidentielle avec LR.

En 2023 viendra la loi portant sur les retraites. Il peut de même espérer une majorité relative puisque la droite est pour repousser l’âge de départ en retraite. A défaut il pourra utiliser le 49-3. Puis viendra la loi de relance du nucléaire pour laquelle il n’aura pas non plus de difficultés à trouver une majorité.

Enfin en dehors du 49-3 il lui reste un autre outil constitutionnel, l’article 44 alinéa 3 : Si le Gouvernement le demande, l’assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement.

Les deux principales différences avec le 49-3 sont que le débat se poursuit jusqu’au vote et que l’opposition ne peut déposer de motion de censure.

Macron n’a donc aucun intérêt ni aucune urgence à dissoudre l’assemblée.


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