Transposition de directives européennes quant aux discriminations

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Trois directives communautaires relatives à l’égalité de traitement avaient été imparfaitement transposées :
– celle du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique ;

– celle du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail ;

– et celle du 23 septembre 2002 modifiant la directive du 9 février 1976 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail.

Il manquait ainsi dans le droit français : la définition des discriminations directes et indirectes, du harcèlement moral et du harcèlement sexuel ; l’interdiction d’enjoindre à quelqu’un de pratiquer une discrimination, et des dispositions pour garantir les droits des victimes de discriminations (contre la rétorsion et pour asseoir l’aménagement de la charge de la preuve). La Commission européenne avait donc mis en demeure la France considérant que le droit français n’interdit pas la discrimination fondée sur la religion, les convictions, le handicap, ou même l’orientation sexuelle, en ce qui concerne les conditions d’accès aux activités non salariés et au travail.

Malheureusement cette nouvelle transposition s’est encore une fois faite de façon incorrecte et même inquiétante. En effet le texte de loi voté mardi 25 mars par l’Assemblée nationale introduit une distinction de protection selon le type de discrimination, rétablissant ainsi une hiérarchisation entre les discriminations, ce qui constitue une régression par rapport au droit français jusqu’ici en vigueur. L’ordonnancement dans l’énonciation des motifs de discriminations varie d’un article à l’autre.

Nous avons donc un texte apportant de la confusion au droit français actuel, et qui remet en cause certains acquis de l’architecture législative des luttes contres les discriminations élaborée au cours de ces dernières années.

De plus, le gouvernement a obstinément refusé de prendre en compte les discriminations liées à l’état de santé. Mais alors que cela constitue un motif de préoccupation et de mobilisation croissant des associations de la société civile, le sujet reste de toute évidence tabou et les rapports d’activité de la Halde omettent cette dimension. Ne sont couverts que huit motifs de discrimination : « le sexe, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion, l’âge, le handicap, l’orientation sexuelle ou les convictions » alors que la liste existant dans l’énoncé de l’article 225-1 du Code pénal actuel est plus large.

La définition actuelle du harcèlement est aussi restrictive : elle ne le conçoit que comme un agissement à l’encontre d’une femme en particulier. Pourquoi ne pas avoir repris plus directement les éléments de la directive européenne du 23 septembre 2002 « relative à la mise en œuvre de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, et les conditions de travail », qui définit précisément le « harcèlement lié au sexe » et le « harcèlement sexuel » qui sont deux notions, certes proches mais différentes.

De plus ce texte de loi, en ce qui concerne le harcèlement, ne réprime que les « agissements » « assimilés à une discrimination » et non les « comportements » « non désirés, liés au sexe d’une personne portant atteinte à la dignité d’une personne et créant un environnement intimidant ». Définir le harcèlement sexuel comme des agissements, alors que le texte de la directive donnait comme définition un « comportement non désiré » est une restriction.

Au cours des débats, il est apparu que la nouvelle limitation à huit discriminations – excluant entre autres l’état de santé” – contrairement au Code pénal qui en prévoit plus, est une volonté assumée du gouvernement. Ceci a comme conséquence concrète que pour les huit discriminations ainsi incluses, les victimes pourront saisir les tribunaux civils alors que pour les autres discriminations, il leur faudra engager une procédure pénale au cours de laquelle elles devront prouver la faute intentionnelle, ce qui n’est pas le cas au civil. La procédure pénale est donc beaucoup plus lourde, plus longue, plus impressionnante.

Autre critique par rapport à ce texte de loi : son découplage d’un autre texte adopté au Sénat qui prévoit de réduire les délais de recours devant les juridictions civiles, notamment dans les cas de discrimination, de 30 ans à 5 ans. Ainsi les quelques améliorations apportées, même incomplètes, risquent de perdre de leur intérêt.

L’attente était forte. C’est donc une grande déception sur un dossier qui méritait mieux.

”intégralité du débat sur le site de l’Assemblée Nationale” : [http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2007-2008/20080122.asp|http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2007-2008/20080122.asp#P402_71430|fr]


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