Sanctionnés pour chanter la Marseillaise !

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Darmanin avait prévenu le 11 février 2021 en déclarant trouver Marine Le Pen trop molle. Aujourd’hui en France, être opposant politique c’est se faire traiter de terroriste . C’est pour les député.e.s se faire sanctionner pour avoir chanté la Marseillaise dans l’hémicycle. C’est pour la LDH une demande de remise en cause de ses faibles subventions pour avoir osé dénoncer les violences policières.

Emmanuel Macron a été élu président de la République avec une feuille de route très claire : défendre les intérêts de la finance et le modèle économique en place notamment le modèle agro-industriel. Pour lui pas question de négocier des compromis pour une répartition un peu plus équitable entre capital et travail. Déjà en tant que ministre de Hollande sa ligne était claire : tout pour le capital privé et peu importe les impacts sur l’environnement (rappelons-nous les cars Macron) et sur les conditions de travail.

Les mobilisations contre la loi Travail en 2016 ont vu le retour d’un niveau de violence répressive qu’on avait oublié avec une utilisation massive et indiscriminée de grenades de différents types, la multiplication de violences policières et déjà l’explosion d’arrestations abusives visant notamment les jeunes.

Un premier mandat de Macron déjà très répressif

Le premier mandat de Macron de 2017 à 2022 lui a donné les moyens politiques d’appliquer sans entrave sa ligne ultralibérale : une des premières lois votées est le détricotage du code du travail avec la généralisation des accords d’entreprise prévalant sur ceux de branche, la facilitation des licenciements, la réduction des instances du personnel. C’est ensuite l’ouverture à la privatisation du rail incluant la suppression du statut de cheminot. Côté finances, les impôts des plus riches et des grosses entreprises sont réduits au minimum avec notamment la suppression de l’ISF, de la flat tax et la réduction drastique du nombre de personnels des impôts limitant ainsi les contrôles. L’action écologique s’est limitée à des discours en général immédiatement démentis par les faits comme sur le sujet des pesticides.

Macron a multiplié les lois répressives, au point que Charles de Courson, député centriste, s’en était ému en 2019 : « L’autorité administrative va priver un individu de sa liberté de circulation ou de manifester au motif qu’il y a une présomption, des raisons sérieuses de penser […] que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public » « Mais où sommes-nous, mes chers collègues ? C’est la dérive complète ! On se croit revenu sous le régime de Vichy ! Réveillez-vous ! […] Par votre attitude, vous êtes présumés résistants, donc on vous met en taule ». Déclaration très prémonitoire lorsqu’on écoute Darmanin aujourd’hui.

Sous prétexte de lutter contre l’islamisme radical, la loi Séparatisme d’août 2021 peut en fait s’appliquer à toutes les associations, ce qui avait été dénoncé à l’époque notamment par les député.e.s Insoumis.e.s et ce qui se vérifie depuis plusieurs mois avec la suppression au nom de cette loi de subventions à des associations intervenant dans le champ de l’écologie comme Alternatiba.

Les jeunes ont été particulièrement visés. On se rappelle cette image effroyable de décembre 2018 où on voit 151 jeunes lycéens de Mantes-la-Jolie forcés de rester agenouillés tête baissée, les mains sur la tête pendant plusieurs heures et ce pour que l’IGPN conclue qu’aucune faute n’avait été commise par les policiers !!!

Le mouvement des Gilets jaunes a vu une escalade dans cette répression avec de nombreux manifestants mutilés : 24 ont été éborgnés, 5 ont eu la main arrachée selon le décompte effectué par le journaliste David Dufresne et Zineb Redouane, 80 ans, est morte après avoir reçu une grenade lacrymogène au visage dans son appartement, à Marseille. Pour le ministère de l’intérieur il y a eu au moins 4 439 blessés côté manifestants. Les forces de l’ordre ont tiré 12.908 LBD. 12.107 personnes ont été interpellées en six mois, dont 10.718 placées en garde à vue. Mais le nombre de condamnations s’élève à 2 000 montrant ainsi que bon nombre d’interpellations ont pu être abusives. 313 enquêtes pour des soupçons de violences policières ont été ouvertes dont les deux tiers ont été transmises à la justice.

Ce premier mandat aura aussi été marqué par le recours massif aux ordonnances montrant ainsi le mépris général que porte Macron au Parlement puisque ayant la majorité à l’Assemblée il pouvait faire adopter tout ce qu’il voulait sans utiliser cette procédure peu démocratique.

Le libéralisme autoritaire à l’œuvre

Macron n’a que faire de l’opinion publique. Il considère qu’il doit son élection à lui seul et que les député.e.s Renaissance n’existeraient pas sans lui. Comme il ne peut pas se représenter en 2027, peu lui importe qu’il soit populaire ou non.

Les législatives de 2022 ne lui ayant pas donné de majorité et sa réforme des retraites étant massivement refusée par la population, son fonctionnement autoritaire s’est accentué et malheureusement la Constitution de 1958 lui donne tous les outils pour. Aucun président de la 5ème République n’avait osé aller aussi loin.

Les habitudes répressives ont vite été reprises après la pause du COVID comme le 19 juin à Redon en Bretagne, où une free party illégale est durement réprimée. Les forces de l’ordre ont alors détruit à coups de hache 100.000 euros de matériel musical, en l’absence de toute procédure, et en s’en réjouissant sur les réseaux sociaux et un jeune homme a perdu sa main.

Si les premières manifestations contre la réforme des retraites se sont plutôt passées « tranquillement » bien que les quelques interpellations effectuées à ces occasions n’aient rien eu à envier à la violence déployée précédemment, l’entrée de la jeunesse dans la lutte et le durcissement de la mobilisation face à l’obstination du pouvoir ont vu réapparaître les pratiques policières violentes.

Mais après Sainte-Soline, la première réaction est la sidération. Comment a-t-on pu arriver à un tel niveau de violence et à un tel bilan : plus de 200 blessés dont 7 graves côté manifestants avec 2 dans le coma dont un y est toujours. Il y a très longtemps qu’on avait pas vu un tel déchaînement de violences policières. Dans un billet sur Reporterre, https://reporterre.net/Megabassines-Etre-pret-a-tuer-pour-proteger-un-tas-de-terre-en-dit-long Christophe Bonneuil fait la comparaison avec la répression des manifestations contre les centrales nucléaires dans les années 70. Pour avoir participé en son temps à la manifestation contre la construction de Super Phénix à Creys-Malville, j’ai l’impression que cette fois-ci un cap est franchi avec l’utilisation des quads et l’obstruction du passage des secours. De plus à l’époque il me semble que la violence était pratiquée par bien plus de manifestants qu’aujourd’hui. A Creys-Malville aussi, le ministre de l’intérieur avait fait monter la pression dans les jours précédents la manifestation. Mais à l’époque les seuls visés étaient les militants anti-nucléaires.

Aujourd’hui la répression à Sainte-Soline va bien au-delà et a pour objectif d’envoyer aussi un message aux manifestants contre les retraites. Depuis l’activation du 49-3, des affrontements police-manifestants ont réapparu et le gouvernement tente de jouer sur la peur des désordres. Mais vu son intransigeance sur les 64 ans, les blocages et autres actions un peu dures restent soutenues majoritairement. Toutes les tentatives pour retourner l’opinion publique ont échoué : rien n’y fait, les françaises et français ne veulent pas de la réforme des retraites. Il lui fallait donc passer au stade supérieur en cherchant un sujet moins consensuel .

De ce point de vue Sainte-Soline sert de substitut. Mais avec la persistance de la sécheresse et après une année 2022 marquée par les canicules, les incendies et le manque d’eau, beaucoup de français s’interrogent aujourd’hui sur les politiques à mettre en œuvre pour garantir un égal accès à l’eau . Malgré le poids des médias utilisé pour défendre le principe des bassines au profit de quelques gros producteurs de maïs pour l’élevage industriel et l’exportation, le doute s’est installé.

Or on le voit avec les interventions de plusieurs ministres ces derniers jours, l’axe central de la politique macroniste est : « Pas touche au modèle agro-industriel ». Les intérêts économiques sont énormes et il y a une clientèle politique que se dispute Renaissance, LR et RN. D’autres projets de mega bassines sont prévus par exemple dans le Puy-de-Dôme.

L’annonce de la dissolution des Soulèvements de la Terre est là pour décourager toute mobilisation.

Pour défendre les intérêts de la finance et le modèle agricole productiviste, le pouvoir est prêt à tout

Dans un monde où l’accès aux ressources vitales devient de plus en plus source de conflits violents, où l’exigence de justice sociale grandit, l’heure n’est plus à la répartition ni au modèle social-démocrate. Partout les formes de pouvoir se durcissent et prennent des formes autoritaires. Les opposants progressistes se voient diaboliser et tous les moyens sont utilisés notamment pour les écarter des élections s’ils ont quelque chance de les gagner comme on a pu le voir dans différents pays avec l’utilisation du lawfare, c’est à dire l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques (l’exemple le plus fameux étant contre Lula, l’actuel président du Brésil).

C’est aujourd’hui la dérive à laquelle on assiste en France. Faute d’avoir pu convaincre la population de la justesse de sa réforme des retraites et pour poursuivre ses objectifs de livrer au secteur privé la santé et l’école, Macron veut absolument briser toute volonté de résistance du mouvement social, toute prise de conscience de la jeunesse et détruire tout espoir d’alternative de progrès. Les salariés ne doivent plus oser revendiquer, les paysans doivent se soumettre au modèle agro-industriel, les jeunes rêver de devenir milliardaires et l’ensemble des français.e.s consommer sans se poser de questions.

Donc les salariés qui s’obstinent à manifester se font traiter de factieux et la répression contre les syndicalistes s’intensifie, le refus de laisser faire la destruction de notre environnement est synonyme d’écoterrorisme et les intellectuels qui osent dénoncer les violences policières pratiquent le terrorisme intellectuel.

Pendant ce temps le nombre d’actions de commandos d’extrême-droite explose, la FNSEA et la Coordination rurale n’hésite plus à menacer leurs opposants. La NUPES est sommée de dénoncer les violences contre la police ou les menaces contre des élu.e.s Renaissance mais lorsque le maire de Saint-Brévin-les-Pins est visé par un incendie volontaire, lorsque Morgan Large, journaliste spécialisée dans les enquêtes sur l’agroalimentaire est victime pour la deuxième fois d’une tentative d’assassinat, lorsque Marine Tondelier secrétaire nationale de EELV est menacée par la Coordination rurale, lorsque un commando d’extrême-droite essaie d’entrer de force chez Raphaël Arnault, leader de la Jeune Garde à Lyon, silence total de Darmanin. Pas un mot pour désavouer tous ces actes. Rien.

https://reporterre.net/Passages-a-tabac-intimidations-Les-ecologistes-pris-pour-cible
https://reporterre.net/Passages-a-tabac-intimidations-Les-ecologistes-pris-pour-cible

C’est dans ce contexte qu’a eu lieu la législative partielle de l’Ariège suite à une inversion de bulletins du RN entre les deux circonscriptions de l’Ariège en juin. La présence d’une “dissidente” PS soutenue par la présidente de région Carole Delga, a permis à tous les opposants à la NUPES de s’allier. Il y avait eu quelques prémisses en juin mais cela s’était fait en toute discrétion. Cette fois-ci cela s’est fait au grand jour : toutes les forces politiques qui n’ont pas pour objet de remettre en cause le système libéral, de la droite du PS à l’extrême-droite en passant par le centre et la droite, se sont unies pour appeler à battre Bénédicte Taurine élue en 2017, réélue en juin 2022. A l’heure où la DGSI souligne le danger du terrorisme d’extrême-droite, Darmanin, Macron et leurs idiots utiles préfèrent s’en prendre à la NUPES.

L’enjeu du moment est clair : d’un côté celles et ceux qui continuent à défendre l’espoir d’une société plus juste, plus démocratique, plus écologiste, de l’autre ceux qui sont prêts à toutes les alliances, toutes les compromissions pour défendre le système. L’extrême-droitisation de la droite française, la radicalisation du lobby agro-industriel, la multiplication des actions de commandos fascisants doivent nous alerter. L’heure est à serrer les rangs pour éviter un scénario à l’italienne.


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