Questionnaire de la CGPME de Paris

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La Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) de Paris, par le biais de ses vice-présidents représentant les 4 premiers arrondissements de Paris, m’a invitée à faire connaître mes positions concernant les entreprises patrimoniales du secteur du commerce, de l’industrie, des services et de l’artisanat où, comme il est souligné en introduction du questionnaire « les relations humaines sont fondées sur la proximité entre le chef d’entreprise et les salariés ». Voici les réponses que j’y ai apporté
[(Questionnaire sur le site de la CGPME75)|http://www.cgpme75.fr/index.php?request=default&racine=%2Fbase%2F&nom=a_la_une|fr]
__* Vous m’interrogez sur l’équilibre des finances publiques et des régimes sociaux__
C’est effectivement une question importante. La dette publique de la France dépasse aujourd’hui 60% du PIB. Elle a augmenté de 9 points pendant les 5 ans du précédent Gouvernement, après avoir baissé entre 1997 et 2001. Cet endettement est dû à la baisse des recettes car la part des dépenses dans le PIB est restée stable. Baissant les impôts sur les hauts revenus, l’Etat a dû emprunter et payer les intérêts. Il s’est appauvri, les actionnaires des banques et des compagnies d’assurance se sont enrichis. En 2007, le « bouclier fiscal » coûtera à la collectivité 400 millions d’euros au profit des 16.000 contribuables les plus riches.
A mon sens, la baisse du nombre de fonctionnaires n’est pas une fin en soi pour rétablir l’équilibre des comptes publics : il convient de s’interroger au cas par cas sur la finalité des missions remplies par ceux-ci. Il faut revenir sur nombre des dispositifs fiscaux adoptés récemment qui sont néfastes à l’équilibre des finances publiques. L’impôt finance le fonctionnement des institutions (justice, police, armée), les infrastructures et les services publics. Il sert aussi à investir dans l’avenir (recherche, universités…). Une baisse des recettes de l’Etat signifie que chacun doit individuellement financer plus fortement l’éducation de ses enfants, la santé de sa famille, la retraite et la dépendance des anciens… C’est installer l’incertitude et la non-solidarité devant les accidents de la vie qui touchent tout à chacun. Une vraie réforme de l’impôt ce serait : moins de « niches fiscales » pour plus d’équité ; conditionner toutes les aides aux entreprises avec des contreparties sociales (embauches, moins de précarité…) et environnementales ; un recentrage des avantages sur les petites entreprises (artisans, petits commerces) et les entreprises innovantes.
S’agissant du régime de retraites des salariés du public, celui-ci est déjà en phase d’égalisation avec les régimes des salariés du privé, de la mutualité agricole et des professions libérales, autour de 40 annuités de cotisation, de par l’application de la loi de 2003. D’ici peu, en vertu de cette loi, la durée de cotisation de tous sera portée à 41 puis 42 annuités.

* __S’agissant de la fiscalité locale__
La meilleure façon de ne pas alourdir la fiscalité locale, injuste socialement et pesant sur la vitalité économique, est que l’Etat ne baisse pas ses propres prélèvements obligatoires (l’impôt sur le revenu, progressif, est plus juste socialement). La loi de décentralisation du précédent Gouvernement, adoptée en 2004, prévoit des décharges de compétences vers les régions, non compensées financièrement par l’Etat. Il faut revenir sur cette manière de faire.

__* Vous m’interrogez sur la concurrence internationale__
Il est effectivement indispensable de lutter contre toutes formes de dumping (dumping social, dumping fiscal) au niveau européen. Je me bats pour que ces questions d’harmonisation par le haut soient prises en compte par les gouvernements des 27 pays-membres de l’Union européenne. En 2005, j’ai déposé à l’Assemblée nationale une proposition de création d’une commission d’enquête contre le dumping fiscal: dans toute l’Europe, les sociétés alignent vers le bas le taux d’imposition sur les bénéfices. La majorité de l’Assemblée n’a pas souhaité mettre en discussion mes propositions pour empêcher l’évasion fiscale pratiquée par les entreprises multinationales qui font peser les coûts sur leurs filiales situées sur le territoire français et font apparaître de façon comptable leurs bénéfices dans leur siège situé dans un pays où l’imposition est moindre. A ce rythme, les finances publiques de la France n’y survivront pas.

* __Vous m’interrogez sur la question des cotisations sociales__
Je m’oppose aux exonérations de cotisations sociales indifférenciées selon les entreprises. En effet, aucune exonération n’est gratuite! Toute baisse des cotisations patronales est obligatoirement compensée par le Budget de l’Etat: soit par l’impôt, soit par une baisse des dépenses sans égard pour l’efficacité sociale de celles-ci.
Je pense que les exonérations de cotisations sociales qui coûtent à la collectivité doivent être orientées vers les petites entreprises, les entreprises innovantes, les entreprises de l’économie solidaire, respectueuses de l’environnement.
Il convient aussi de moduler les cotisations patronales en fonction de la part de la masse salariale dans le résultat de chaque entreprise, afin de ne pas pénaliser les entreprises de main d’oeuvre, localisées et pourvoyeuses d’emplois pour qu’elles restent compétitives par rapport aux entreprises ne développant pas l’emploi et vivant de la spéculation financière mondialisée.

__* Vous m’interrogez sur mes positions concernant la compétitivité et l’innovation.__
Il est normal que les aides publiques et les avantages sociaux soient réservés aux entreprises innovantes, de même qu’aux petites entreprises: elles sont sources d’emplois de qualité, non délocalisables. Une orientation majeure doit être le soutien aux branches d’avenir telles que le développement des « écotechnologies », technologies respectueuses de l’environnement. La question énergétique dans le bâti (efficacité énergétique, lutte contre l’effet de serre…) demande un accroissement des efforts en faveur des entreprises innovantes. Cela dit, toute l’innovation ne passe pas par la brevetabilité. Dans le domaine économique, la vitalité des logiciels libres en est un exemple probant.

__* Sur le développement durable et les Pme.__
Nous ne résoudrons pas les défis posés à notre environnement par le déréglement climatique et la pollution atmosphérique (ampleur de l’effet de serre d’origine humaine, haut niveau de pollution en ville) uniquement par des incitations fiscales. Il faut être à la hauteur des phénomènes climatiques actuels de plus en plus violents (origines de canicules, tempêtes ou inondations) qu’a mis en évidence Nicolas Hulot et d’autres experts du climat. Il est normal face à l’urgence de prendre des mesures contraignantes pour tous: particuliers, collectivités publiques et entreprises. Si tout le monde fait des efforts, nous pourrons relever ce défi. Il en va de notre bien commun collectif.

* __Vous m’interrogez sur la judiciarisation de la société__
Nous connaissons ces dernières années une inflation de textes législatifs, notamment sous les Gouvernements depuis 2002. Président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré s’en était ému en critiquant la profusion de textes répétitifs revenant sur les mêmes sujets. Je comprends donc aisément la difficulté des chefs d’entreprises, notamment des Pme, pour se retrouver dans cette jungle de textes qui leur font courir des risques de condamnation. Cependant, j’estime qu’il est tout simplement normal, dans un Etat de droit, que la loi s’applique et que la délinquance économique soit sanctionnée. Par ailleurs, je reste profondément attachée à la protection des droits des consommateurs : c’est l’une des conditions du bon fonctionnement de l’économie de marché.

* __Concernant le dialogue social dans les Pme__
Je pense qu’en matière de dialogue social et de négociation collective, source du droit du travail, les accords d’entreprises ou d’établissements entre salariés et employeurs doivent être respectueux de la règle du « principe de faveur », en étant plus favorable aux salariés que l’accord de branche. C’est sur cette base que ce sont construits le dialogue et la cohésion sociale depuis la Libération.

__* Sur le pouvoir d’achat__
Je suis contre le démantèlement de la loi des 35 heures. Comme vous le dites vous-mêmes, « les RTT sont un moyen de garantir l’équilibre entre vies personnelle et professionnelle ». De plus, les RTT ont favorisé toute la branche économique du temps libre et de la consommation des loisirs. Certes, tout le monde ne bénéficie pas du pouvoir d’achat adéquat : la question posée est celle du niveau général de rémunération des salariés, et non de l’encouragement aux heures supplémentaires (« travailler plus ») car celles-ci sont décidées par l’employeur et non au choix des salariés. Comme vous le rappelez vous-mêmes au point 10, « le lien de subordination, facteur de déséquilibre dans la relation contractuelle qui unit le salarié à son employeur, justifie l’existence d’une réglementation spécifique ». Il ne sert à rien de pousser certains salariés au surmenage au travail si cela doit augmenter le chômage des autres.

* __Sur le chômage persistant et la flexibilité du travail__
Le non-emploi (le chômage) n’est pas l’unique forme de grande précarité. Ces dernières années ont vu une envolée du nombre de travailleurs précaires à cause de contrats de travail atypiques. Nombre de salariés à temps partiel qui ne travaillent que quelques heures par semaine sont en situation de grande précarité. L’incertitude face aux lendemains devant la menace de licenciements simplifiés constitue une autre forme de précarité, néfaste à la consommation, et donc à l’économie du pays. Le CNE n’a pas montré son efficacité en matière d’emplois durables. Il est de plus source d’une insécurité juridique car il est attaqué devant les Prud’hommes sur ses conceptions spécifiques de la période d’essai et du décompte du personnel dans l’entreprise. Pour développer les Pme, je suis plus favorable à des aides fiscales spécifiques, contrairement aux aides actuelles qui sont quasiment toutes indifférenciées selon la taille des entreprises.

* __Sur l’adaptation des compétences au marché du travail__
Je ne suis pas opposée aux points que vous développez dans vos questions 11, mais c’est avant tout aux partenaires sociaux d’avancer des propositions. L’entreprise a effectivement un rôle à jouer pour développer les compétences des salariés. L’accès à la formation pour les salariés doit faire partie des dispositifs nécessaires de sécurisation des parcours professionnels qu’il convient d’instaurer (au-delà de la seule assurance-chômage).

* __Sur l’encouragement de l’initiative personnelle__
Je pense nécessaire de valoriser dans le cadre du cursus scolaire l’information sur les entreprises respectueuses de l’environnement et de la biodiversité et pourvoyeuses des métiers de demain, notamment les secteurs du développement durable et des énergies renouvelables. Je pense également qu’une bonne sensibilisation à la vie des entreprises dans le cadre scolaire passe par une information sur les dispositifs de lutte contre les discriminations en milieu professionnel pour montrer à nos jeunes que la citoyenneté ne s’arrête pas à la porte du monde du travail, afin de les inciter à s’y investir pleinement. Les dispositifs de sécurisation des parcours professionnels évoqués précédemment visent précisément à faciliter le rebond après une prise de risque qui s’est soldée par un échec.

* __Sur le travail manuel__
Il faut revaloriser les filières du travail manuel, comme les métiers fondés sur les savoir-faire traditionnels. Ce sont souvent des filières pourvoyeuses d’activités économiques de proximité non-délocalisables. Elles développent les fameux « circuits courts » entre producteurs et consommateurs qui sont un atout pour le respect de l’environnement (limitation des consommations d’hydrocarbures et des émissions de gaz à effet de serre).
Je ne suis pas favorable à la multiplication à tout-va des exonérations de cotisations sociales à la charge de l’employeur. Comme elle sont obligatoirement compensée par le Budget de l’Etat, elles creusent le déficit public et le dette de la France.


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