Nous refusons toutes les haines

Partager cet article :

Dimanche dernier, nous avons défilé, nombreuses et nombreux, entre Bastille et Nation, en silence, pour rendre hommage aux victimes du tueur qui a frappé à Toulouse et Montauban. Imad Ibn Ziaten, Abel Chennouf, Mohamed Legouad, Gabriel Sandler, Arieh Sandler, Jonathan Sandler, Myriam Monsonego. Ce sont leurs noms, et ce sont ces noms que nous voulons retenir. A plusieurs reprises la semaine dernière, Jean-Luc Mélenchon a fort bien dit pourquoi ne retiendrions pas le nom de l’assassin, ni les prétendues « raisons » qu’il a pu invoquer dans l’espoir de « justifier » l’injustifiable. Il l’a fort bien exprimé le 21 mars à Gennevilliers, voici la vidéo :

Depuis, nous avons entendu Marine Le Pen raconter ses hallucinations, elle qui voit des terroristes débarquant en masse par bateaux et avions. Quant à Nicolas Sarkozy, qui se croit sans doute extralucide, il nous a inventé les “musulmans d’apparence” pour qualifier les jeunes militaires assassinés. Quelle misérable rhétorique !

Et lundi après midi, des adolescents ont été s’en prendre à un collégien parisien, accompagnant l’agression d’insultes antisémites. Que comprennent-ils de ce monde, pour commettre des actes pareils ?

Au Front de Gauche, nous avons une ligne dont nous ne dévions pas : le refus de toutes les haines. Ce qui passe aussi par l’analyse.

Il importe d’abord de bien saisir la portée des actes commis par le tueur. En assassinant trois jeunes hommes sans défense, du seul fait qu’ils s’étaient engagés dans l’armée de notre pays, il a montré toute sa lâcheté. Quels qu’aient pu être ses fantasmes, quoi qu’il se fût raconté, il n’était pas un combattant. Un assassin, lâche de surcroît, et c’est tout. En assassinant quatre êtres humains, dont trois enfants, au prétexte qu’ils étaient de confession juive, ou qu’il les croyait de confession juive, il s’en est pris à l’humanité toute entière, et à tous les enfants du monde, quoi qu’il ait pu ânonner sur les enfants victimes dans telle ou telle partie du monde. La réaction impeccable de l’Autorité palestinienne et de ses représentants l’a exprimé sans détours. Lorsqu’un assassin tue quelqu’un pour ce que la victime est, ou pour ce qu’il croit que la victime est, alors il s’en prend à travers elle à tous les humains. C’est ce qui fonde la notion de crime contre l’humanité, lorsque de telles horreurs sont commises à grande échelle de manière planifiée. C’est ce qui fonde les circonstances aggravantes lorsqu’un crime est commis avec un fondement raciste, ou sexiste, ou homophobe.

Notre choix, en conscience et de manière réfléchie, est donc de renvoyer le nom du tueur et ses ratiocinations à leur néant. Notre choix d’être humains, solidaires et unis avec nos frères et sœurs en humanité, est de retenir les noms des victimes : Imad Ibn Ziaten, Abel Chennouf, Mohamed Legouad, Gabriel Sandler, Arieh Sandler, Jonathan Sandler, Myriam Monsonego. C’est à cette hauteur que se situent notre réflexion et notre action. L’Humain d’abord, ce n’est pas un slogan, c’est la base de notre engagement, de notre ligne de conduite.

Mais dès la semaine dernière, les marchands de haine n’ont pu se retenir de sortir au plus vite leur étal, à ce point oublieux de l’humaine condition qu’ils étaient persuadés que la douleur, le sang et les larmes profiteraient au commerce de leur camelote faisandée. Et voici qu’ils nous ressortent la peine de mort, et qu’ils nous comparent la haine selon tel intégrisme à la haine selon un autre intégrisme, la haine de telle sorte d’idéologues à la haine des idéologues d’à côté. Laquelle est la plus lourde ? La plus atroce ? La plus vendeuse ? Et même, ils nous demandent des excuses pour, en les combattant toutes, avoir attaqué les unes quand celle du tueur ressortirait de la catégorie voisine !

Notre engagement politique est nourri de passion, et nous parlons net et sans détour, mais nous respectons adversaires et concurrents. Seule exception, ces misérables marchands de haine, auxquels nous réservons notre mépris. Quelle aberration, que de prétendre hiérarchiser les victimes ou les bourreaux, quand un crime absolu rappelle cruellement l’universalité de la condition humaine et appelle la condamnation absolue de toutes les haines semblables ! Qu’importent les oripeaux prétendument religieux ou idéologiques qui camouflent mal une folie meurtrière identique, laquelle appelle un même rejet universel. Et qu’on ne vienne pas nous dire que la réponse à la barbarie de quelques uns serait d’engager la course à la barbarie pour la société toute entière. Quand bien même il vise un criminel de la pire espèce, le meurtre prémédité par une organisation sociale toute entière que constitue la peine de mort est une régression sans pareil. Quel modèle pour notre société ? L’Iran des mollahs ? La république populaire de Chine ? Les quelques États des États-Unis d’Amérique où d’un même élan on libéralise à l’extrême le commerce des armes, on exécute après des dizaines d’années passées dans le couloir de la mort, et on récuse la théorie de l’évolution au nom du créationnisme ? Si l’on se targue de parler de civilisations, alors consolidons le grand progrès de civilisation que fût et que reste l’abolition de la peine de mort.

Vendredi dernier, François Morel, toujours juste dans le choix des mots de sa chronique sur les ondes de France Inter, a conclu par quelques vers écrits et chantés par Barbara (le début de Perlimpinpin). Homme de culture, il a choisi la poésie en réponse aux soubresauts de cette semaine. Voici ces vers, en partage.

Pour qui, comment quand et pourquoi ?

Contre qui ? Comment ? Contre quoi ?

C’en est assez de vos violences.

D’où venez-vous ?

Où allez-vous ?

Qui êtes-vous ?

Qui priez-vous ?

Je vous prie de faire silence.

Pour qui, comment, quand et pourquoi ?

S’il faut absolument qu’on soit

Contre quelqu’un ou quelque chose,

Je suis pour le soleil couchant

En haut des collines désertes.

Je suis pour les forêts profondes,

Car un enfant qui pleure,

Qu’il soit de n’importe où,

Est un enfant qui pleure,

Car un enfant qui meurt

Au bout de vos fusils

Est un enfant qui meurt.

Que c’est abominable d’avoir à choisir

Entre deux innocences !

Que c’est abominable d’avoir pour ennemis

Les rires de l’enfance !

(…)

L’intégralité de la chanson est en ligne par exemple ici.


Partager cet article :