Intervention de Martine Billard en discussion générale.
Mercredi 28 janvier 2009.
Monsieur le président, madame la ministre du logement, mes chers collègues, il y a deux ans et demi, le Parlement votait la loi Engagement national pour le logement et, au mois de février de l’année dernière, la loi sur le droit au logement opposable.
Pourtant, la crise du logement est toujours aussi aiguë, et ce pour deux raisons : d’une part, le manque de construction de logements sociaux ; d’autre part, la spéculation sans limite du marché des logements privés, dont le prix à la location ne connaît guère la crise.
Qu’en est-il du droit au logement opposable, que la majorité UMP de la législature précédente avait subitement découvert en 2007, après le déploiement des tentes des sans-logis et mal-logés au canal Saint-Martin à la fin de l’année 2006 ?
En vertu des critères de la loi DALO, 6 000 ménages ont été déclarés prioritaires à Paris et jusqu’à 10 000 dans toute l’Île-de-France. Mais seuls 110 ménages à Paris et 350 en Île-de-France ont été relogés au titre de cette loi. C’est sans commune mesure avec les besoins !
L’effort public en faveur du logement social a de nouveau diminué dans le budget 2009. Quant au Livret A, qui finance la construction des HLM et bénéficie d’une exonération fiscale substantielle, vous venez de le privatiser en autorisant toutes les banques à en proposer à leurs clients ; une part importante des sommes ainsi collectées cessera d’être affectée au logement social.
Le Gouvernement prétend faire une loi sur le logement sans introduire de contraintes, ni pour les sociétés immobilières ni pour les pouvoirs publics. La philosophie de ce texte revient à opposer pauvres, classes populaires et classes moyennes, à mettre en concurrence les mal-logés et ceux qui sont logés dans le parc social.
Certes, le Sénat – dans sa grande sagesse – a supprimé à la quasi-unanimité l’article 17 du texte initial du Gouvernement, qui prévoyait de comptabiliser l’accession sociale à la propriété dans le quota de 20 % de logements sociaux par commune, en vertu de l’article 55 de la loi Solidarité et renouvellement urbain. Il s’agissait une fois de plus de remettre en question les obligations faites aux maires qui ne respectent pas la loi.
Madame la ministre, vous avez annoncé hier ne pas vouloir rétablir cette disposition, arguant que diverses mesures du plan de relance vont profiter à ceux qui ont les moyens d’accéder à la propriété.
Mais il aurait fallu être volontariste, et rendre effectif l’objectif de 20 % de logements sociaux. C’était le sens d’un des amendements que j’ai déposé – et qui a été rejeté au motif de l’article 40 de la Constitution – qui aurait permis d’imposer la construction d’au moins 50 % de logements sociaux dans tous les nouveaux programmes immobiliers dans les communes ne respectant pas la loi.
J’espère que vous ne céderez pas à la vague d’amendements en tous genres présentés par des députés de l’UMP après l’article 17, et qui visent eux aussi à gommer l’obligation de 20 % de logements sociaux, sous diverses formulations : comptabilisation dans les 20 % des hébergements d’urgence pour personnes défavorisées, des hébergements pour demandeurs d’asile, des logements de fonction – donc y compris pour des cadres supérieurs – des logements intermédiaires, des résidences pour personnes âgées, et cœtera. Je ne reprendrai pas la totalité de ce florilège d’inventivité anti-sociale de certains de nos collègues de l’UMP !
Quant à la réforme du 1 % logement, sous couvert du manque de transparence passé, elle revient à étatiser le dispositif en renvoyant l’application à un décret. Madame la ministre, vous annoncez comme aide de l’État au 1 % logement le financement d’un contingent spécifique de 10 000 logements de type PLS. Mais ceux-ci ne sont pas réellement des logements sociaux, contrairement aux catégories PLAI et PLUS qui sont celles dont les salariés – comme l’ensemble de nos concitoyens – ont le plus besoin. Par exemple, 70 % des demandeurs de logement social à Paris sont éligibles au PLAI.
Pour le 1 % logement, il conviendrait de rétablir les obligations de contributions des employeurs dès dix salariés, et non vingt salariés, comme cela existait avant les ordonnances Villepin du 2 août 2005.
Vous remettez en cause le droit au maintien en logement social de façon autoritaire, en opposant les classes moyennes aux plus démunis, qui sont sur liste d’attente. Certes, dans certaines situations, il est légitime de vouloir remédier à la sous-occupation de certains appartements – je pense aux cas typiques des foyers où les enfants ont quitté le domicile familial en atteignant l’âge adulte – mais, pour cela, il faut organiser les procédures d’échanges volontaires de façon plus efficace. Car en l’absence de régulation des prix dans le parc privé, voire du blocage temporaire de trois ans des loyers comme les députés Verts le proposent par amendement, vous faites un mauvais coup aux locataires du parc social en organisant leur expulsion. C’est aussi un coup porté à la mixité sociale des quartiers HLM.
Nous ne viendrons pas à bout de la crise du logement sans mesures politiques volontaristes. Je pense d’abord à l’arrêt des expulsions et des congés sans relogement – dont nous constatons l’augmentation : en 2007, 110 0000 jugements d’expulsion ont été prononcés.
Je pense ensuite à l’application de la loi de réquisition des logements vacants – vous avez dit, madame la ministre, ne pas y être nécessairement opposée, mais nous attendons toujours ! Je rappelle qu’à Paris, 20 000 personnes paient la taxe sur les logements vacants : cela constitue une réserve importante, non mobilisée, et qui pourrait être transformée en logements locatifs sociaux diffus.
Je pense enfin au gel temporaire des loyers, déjà évoqué.
Ce n’est pas en réprimant les mouvements de mal-logés – par exemple en condamnant l’association Droit au logement à 12 000 euros d’amende pour avoir mis des tentes sur les trottoirs de la rue de la Banque, dans le 2e arrondissement de Paris – que l’on résoudra la crise du logement.
Casser le thermomètre n’a jamais fait baisser la fièvre !
Dans ces conditions, l’ensemble des députés du groupe GDR votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)