Réforme des institutions : la plus grande tromperie médiatique

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La réforme a donc été adoptée par 539 voix alors que 538 voix étaient nécessaires compte tenu de 9 abstentions (2 UMP et 7 centristes divers). 905 parlementaires sur 906 ont participé au vote. Il y a eu 896 suffrages exprimés ce qui mettait la majorité à 538 voix (3/5 des exprimés). Le oui l’a emporté avec 539 voix soit 1 voix de plus que nécessaire, contre 357.
Ont voté pour :
– 310 députés UMP sur 317, 23 députés Nouveau Centre sur 24 (Philippe Folliot s’est abstenu), 1 député non inscrit sur 7 (François-Xavier Villain, MPF), 9 députés PRG + Jack Lang,
– 158 sénateurs UMP sur 159 (le dernier a voté contre), 24 union centriste UDF sur 30 (reste répartit en 2 contre, 4 abstentions), 11 RDSE sur 17 (reste répartit en 4 contre, 2 abstentions), 2 non inscrit sur 6 (reste répartit en 2 contre, 1 abstention, 1 non votant)

30 parlementaires de droite n’ont donc pas approuvé la réforme : 21 en votant contre et 9 en s’abstenant.

Par contre 21 voix de gauche se sont portées en faveur du texte : Jack Lang du PS plus 9 députés du PRG sur 11 ainsi que 11 sénateurs du RDSE appartenant au PRG.

Nicolas Sarkozy doit donc bien sa victoire au PRG. Gageons que les récompenses ne tarderont pas à tomber, cela a déjà commencé avec la nomination de Hory, ancien député PRG au Conseil d’Etat. Défense du PRG : il n’est pas normal que le PRG n’ai aucun de ses membres au Conseil Constitutionnel, au Conseil Economique et Social et au Conseil d’Etat. Ainsi pour le PRG ces institutions devraient voir leurs membres nommés selon leur appartenance politique. On avait jusqu’ici cru que c’était pour une certaine compétence même si effectivement la couleur politique n’est pas absente.

Mais il faut reconnaître au Président de la République un talent certain pour vendre ses projets à l’opinion publique. Prenez une réforme, videz la de son contenu mais maintenez l’enveloppe extérieure, jouez l’homme de bon sens outré du manque de reconnaissance de vos adversaires, n’hésitez pas précédemment à distribuer prébendes et menaces aux divers médias selon leur degré de proximité au pouvoir, et le tour est joué : vous obtenez un sondage forcément favorable à votre loi puisque les médias de grande écoute ne vont surtout pas expliquer où est l’astuce qui permet de faire croire à une avancée démocratique quand il s’agit d’entériner l’existant voire de préparer des reculs.

Quelques exemples avec cette réforme :

– Limitation à 2 mandats consécutifs pour le président de la République. Jamais aucun n’en a fait plus

– Limitation du 49-3 à 1 seule fois par session en dehors des lois de finance et de financement de la sécurité sociale. Dans la pratique, il est même utilisé moins que cela. Ainsi cette réforme n’aurait pas empêché le passage du CPE par 49-3.

– Référendum populaire : un superbe trompe l’œil ! Pour commencer, il faut que 20% des parlementaires se mettent d’accord sur un texte (soit 116 parlementaires) mais il faut ensuite que cette proposition de loi soit soutenu par 10% des électeurs (ce qui dépasse le million et demi de français). Cette proposition ne peut porter sur une loi promulguée depuis plus d’un an. Ensuite elle n’est soumise au référendum que si elle n’est pas examinée par le Parlement. Il suffit donc de ne pas la soumettre au vote pour qu’il n’y ait pas référendum. Cela fait penser à la proposition de loi visant à sanctionner la négation du génocide arménien : la présidence de séance de l’assemblée a fait jouer la montre pour empêcher le vote. Enfin en cas de rejet par référendum, aucun autre référendum sur le même sujet ne peut être présenté dans les 2 ans qui suivent. On ne risque par l’overdose de référendum !

– Maîtrise de l’ordre du jour par le parlement : réduit à 1 journée par mois à partager entre l’opposition et le ou les groupes minoritaires de la majorité !

– Droit de veto du parlement sur les nominations par le Président de la République à certains emplois. Le seuil est fixé à 60% des voix exprimés en additionnant le vote des commissions concernées du Sénat et de l’Assemblée Nationale. Le risque pour un président de droite est plus que réduit compte tenu de la composition du Sénat. Par contre cela peut effectivement poser des problèmes pour un président de gauche

– Droit de résolution des assemblées : mais elles ne peuvent contenir des injonctions à l’égard du gouvernement. En bref il ne s’agira même pas de vœux mais au mieux de souhaits !

– Opposition à la procédure d’urgence : il faut que les présidents des 2 assemblée s’y opposent conjointement. Autant rêver !

– Saisine du Conseil Constitutionnel par les justiciables : le justiciable devra d’abord saisir le Conseil d’Etat ou la Cour de Cassation. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !

– Indépendance et pluralisme des médias garantis par la loi : il faut un certain sens de l’humour pour écrire sans honte une telle disposition quand on voie les pratiques de N. Sarkozy avec les médias ainsi que celles de l’UMP.

Mystérieusement une des seules réelles avancées n’est jamais citée : il s’agit de la transformation du Conseil Economique et Social en Conseil Economique, social et environnemental. De façon plus compréhensible un recul important est aussi oublié : c’est l’extension de la possibilité de la procédure surnommée « cavalier législatif ». Son extension n’est pas un hasard car ces dernières années, les gouvernements UMP s’étaient fait retoquer plusieurs fois par le Conseil Constitutionnel des dispositions anti-sociales qui avaient été introduites par amendement au cours des débats dans des textes dont le sujet n’avait rien à voir avec l’amendement en cause. Avec cette réforme, plus de précautions à prendre. On ne peut qu’être inquiet sur les conséquences de cette modification pourtant passée inaperçue.

En refusant de modifier le mode de scrutin du Sénat pour le rendre plus sensible aux évolutions électorales, Sarkozy et l’UMP savaient ce qu’ils faisaient. Le Sénat reste un verrou qui empêchera toute évolution et toute application des nouvelles dispositions censées rééquilibrer les pouvoirs du Parlement, et cela surtout en cas de majorité de gauche. C’est donc bien une réforme au profit et au profit seul de l’UMP. Mais Nicolas Sarkozy a obtenu ce qu’il voulait : pouvoir s’exprimer devant le Parlement. Ce qui a l’air anodin, n’est rien de plus que la remise en cause de la séparation des pouvoirs. En prononçant un discours de politique générale devant le parlement, le président de la république prend la place du premier ministre qui est censé conduire la politique du gouvernement. Or face au premier ministre, l’assemblée a la pouvoir de voter une motion de censure. Face au président de la république, l’assemblée n’a aucun pouvoir alors que lui peut dissoudre l’assemblée.

Nicolas Sarkozy avec cette réforme bouleverse en fait de fond en comble la 5ème république en la transformant en régime totalement présidentiel mais sans oser pour le moment l’écrire en tant que tel dans la constitution. Mais en gardant le pouvoir de renvoyer le gouvernement et de dissoudre l’assemblée sans aucune contrepartie, il devient un président tout puissant mais à aucun moment responsable. Aucun régime d’aucun pays réellement démocratique ne fonctionne ainsi.

Le texte actuel de la Constitution ainsi que les modifications : [http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/constitution.asp|http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/constitution.asp|fr]


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