Question Orale sans débat du mardi 3 juin 2008

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La question portait sur l’articulation du schéma directeur de l’Île-de-France (SDRIF) avec la mission Secrétariat d’Etat à la région capitale
Monsieur le Secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale, la Région Île-de-France a arrêté en février 2007, en association avec les services de l’État, un projet de nouveau schéma directeur de l’Île-de-France pour l’horizon 2030. Ce nouveau SDRIF s’efforce d’anticiper les mutations à travers une vision d’urbanisme cohérente à l’échelle de la métropole francilienne. Il vise à promouvoir les transports en commun, notamment les liaisons de banlieue à banlieue, stopper l’étalement urbain, préserver la biodiversité, les espaces agricoles et naturels. Il ambitionne la construction de 60 000 logements par an, en développant fortement la part de logements sociaux. Il envisage aussi la résorption des déséquilibres entre la localisation des emplois dans quelques grands pôles et celle de l’habitat s’étendant en périphérie, dont les dommages écologiques sont multiples – émissions de gaz à effets de serre, consommation d’énergies fossiles, pollutions atmosphériques – et accentuent les inégalités sociales et territoriales, compte tenu notamment de l’envolée du prix des carburants.

Or la lettre de mission rendue publique le 13 mai 2008 fixe à votre secrétariat d’État l’objectif de « définir une vision pour la région capitale à l’horizon 2030 ». Ceci ressemble fort à une remise en cause du SDRIF. Il vous est demandé d’envisager le développement de la croissance économique de la région dans une logique de concurrence entre métropoles au niveau international, ce qui se ferait au détriment des autres régions, de prévoir la construction de nouvelles autoroutes, la construction de 450 000 mètres carrés de bureaux à la Défense, l’urbanisation massive du plateau de Saclay, ainsi que la mise en place d’une nouvelle Opération d’intérêt national, OIN, à Plaine de France. Devant de telles options anti-écologiques, nous nous interrogeons sur l’utilité de la tutelle du ministère d’État, de l’écologie et du développement durable sur votre secrétariat d’État.

Il est aussi annoncé qu’un comité interministériel d’aménagement pour la compétitivité des territoires, consacré précisément à l’aménagement de la région francilienne, se tiendrait au cours de l’hiver 2008-2009, sans que les élus du conseil régional d’Île-de-France soient associés à cette initiative.

Pouvez-vous donc me dire, monsieur le secrétaire d’État, si cette lettre de mission remet en cause la parole de l’État, au mépris des urgences sociales et environnementales de la région francilienne et du travail de ses élus régionaux, alors que l’État a participé aux travaux d’élaboration du SDRIF, et est partie prenante des ajustements nécessaires à son adoption définitive en septembre prochain ? Ou si l’État entend au contraire favoriser la mise en œuvre pour la région métropolitaine d’un projet ambitieux d’aménagement et de développement soutenable, respectueux de la décentralisation, de la démocratie locale, de la justice sociale, territoriale et fiscale, et promouvant un développement régional écologique, soutenable pour la planète ?

”M. le président”. La parole est à M. Christian Blanc, secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale.

”M. Christian Blanc, secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale”. Madame la députée Billard, vous êtes la première à m’interroger sur le sens de la création d’un secrétariat d’État au développement de la région capitale.

Je voudrais tout d’abord rappeler que la région capitale héberge nombre d’infrastructures et de centres de décision uniques en France – le Gouvernement et le Parlement entre autres – dont le bon fonctionnement est crucial pour le pays tout entier. C’est d’ailleurs pour cette raison que, partout dans le monde, les États s’impliquent dans le développement de leur ville-capitale. Vous connaissez l’exemple spectaculaire du Grand Londres, dans le développement duquel l’État britannique joue un rôle de pilotage important.

Ensuite, madame la députée Billard, il ne peut pas vous avoir échappé que les « villes-mondes » constituent des atouts décisifs dans la compétition économique moderne : nulle part ailleurs ne s’agglomèrent autant de talents et de diversité. Nul autre territoire n’est plus propice à l’apparition d’innovations et d’idées nouvelles. Or l’agglomération parisienne est la seule en France à pouvoir prétendre au titre de « ville-monde », du fait de sa taille et de son histoire. Pour que notre pays tienne son rang dans la compétition des territoires, notre région capitale doit être ouverte, dynamique, attractive, créatrice de richesses et d’emplois.

Vous craignez que la croissance de la région parisienne ne se fasse au détriment de celle des autres régions françaises. Je voudrais vous rassurer : nous ne sommes plus à l’époque de Paris et le désert Français, que les plus anciens d’entre nous, dont je suis, ont lu dans leur jeunesse, époque où l’on croyait qu’il fallait appauvrir Paris pour enrichir la province. Nous avons changé de paradigme, et les acteurs économiques des régions françaises savent désormais qu’ils ont tout à gagner d’une vitalité économique retrouvée en région parisienne. Certains grands élus de Rhône-Alpes ici présents le savent bien.

Enfin, la région capitale est l’un des principaux moteurs de l’économie française tout entière. Environ 30 % de la richesse nationale y sont directement créés et une large part de l’activité économique réalisée ailleurs en France ne pourrait l’être sans une bonne articulation avec la région parisienne. Et c’est un homme très attaché à la régionalisation qui l’affirme ici, dans cet hémicycle.

Pour ce qui est du SDRIF, vous savez que ce document ne peut entrer en vigueur que s’il est approuvé et signé à la fois par la région et par l’État. Or, dès l’automne 2007, le Premier ministre a écrit au président de la région pur déplorer le manque d’ambition du projet initial de la celle-ci. Les exigences de l’État sont donc légitimes et sa position s’inscrit dans la continuité : le schéma directeur de la région Île-de-France doit être ambitieux, en particulier en matière de développement économique. L’objectif de ce partenariat de fait et de droit n’est pas de se substituer au SDAURIF, mais de pouvoir apporter au SDAURIF qui sera approuvé et cosigné ce que l’État estime nécessaire.

Le plateau de Saclay, que vous évoquez, est un exemple de territoire pour lequel il nous faut faire preuve d’une grande ambition. Sur ce site sont réunis des potentiels scientifiques et technologiques exceptionnels, uniques en Europe. Or, le plateau de Saclay dort depuis quinze ans et il est urgent d’agir, de définir une stratégie. C’est ce à quoi nous nous employons aujourd’hui.

Je crains que nous ayons en effet un désaccord sur la façon de valoriser ces potentiels. Il s’agit non pas d’« urbaniser massivement le plateau », selon votre expression, mais de favoriser, sur et autour du plateau de Saclay, la création d’une plateforme scientifique, universitaire et technologique comparable aux ensembles de ce type qui tirent l’économie de la connaissance. Dois-je déduire de votre opposition à une telle ambition que vous êtes opposée à l’économie de la connaissance qui caractérise notre siècle et qui est un facteur de succès décisif dans la quête de réponses aux défis écologiques ? Pensez-vous inutile de créer les conditions qui permettront de voir la recherche aboutir dans des domaines tels que la voiture électrique, le dépistage des cancers grâce à la nanomédecine ou l’amélioration du rendement des panneaux solaires ? Je ne le crois pas.

Permettez-moi, enfin, de vous rassurer : le projet que j’entends défendre pour la région capitale sera respectueux de la démocratie locale. Ce n’est pas un projet technocratique et le bon accueil que je reçois de la part des élus locaux de tous bords que je rencontre depuis ma nomination est d’ailleurs la preuve qu’il y a dans la région capitale une attente vis-à-vis de l’État.

Ce projet prendra en compte l’impératif de cohésion sociale. « La participation active au dynamisme économique des habitants des zones en grande difficulté, qui exercent souvent des métiers peu qualifiés » est une exigence exprimée par le Président de la République dans la lettre de mission qu’il m’a transmise.

Enfin, comme il est également précisé dans cette lettre, le développement de la région capitale « s’inscrira dans ta logique d’économie des ressources et de préservation des équilibres écologiques actée par le Grenelle de l’environnement ». L’exemplarité en matière de développement durable est en effet une condition absolue de la réussite de tout projet de grande envergure et de long terme.

”M. le président”. La parole est à Mme Martine Billard.

”Mme Martine Billard”. Ma question ne vise pas à remettre en cause la nécessaire coordination entre la région et l’État : elle porte sur les objectifs fixés par la lettre de mission que vous a adressée le Président de la République. En effet, l’État a participé à la modification du schéma directeur de l’Île-de-France et a émis des réserves, qui font l’objet d’un débat, mais le contenu de la lettre de mission donne l’impression que l’État veut passer outre l’orientation que la région veut donner au schéma directeur.

Notre région capitale est saturée et il suffit du moindre incident, comme le montrent ce matin les protestations des taxis et des routiers à propos du prix du carburant, pour qu’elle soit bloquée. On ne doit plus dire qu’il faut continuer à attirer de la population. Il faut tenir compte des limites de cette région. Voilà le sens de ma question.

Il semble en effet qu’il y ait désaccord sur la prise en compte urgente des nécessités écologiques, en Île-de-France comme ailleurs en France. Nous sommes donc soucieux d’éviter une contradiction entre les objectifs écologiques fixés par le SDRIF et une volonté de l’État de passer outre.


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