Quels objectifs pour une contribution climat-énergie ?

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La France doit diminuer de 20% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 par rapport au niveau atteint en 1990 pour respecter ses engagements internationaux. En réalité cette baisse devrait même être de 40% compte tenu du retard pris. Or les transports et le secteur résidentiel ont vu leurs émissions augmenter entre 1990 et 2005. A l’heure actuelle, les entreprises industrielles et énergétiques les plus polluantes sont soumises à des quotas qu’elles peuvent échanger sur un marché européen du carbone. Cela concerne 38% des émissions françaises. Mais jusqu’en 2012 ces « droits à polluer » leur sont remis gratuitement et en telle quantité que le prix de la tonne carbone n’est aujourd’hui que de 16 euros.

Le principe d’une taxe carbone consisterait donc à taxer les 62 % restants. Deux motifs peuvent être avancés :
* 1 – faire payer le coût de l’atteinte à la biosphère. C’est un objectif tout à fait juste.
* 2 – changer les comportements de production et de consommation.
Les ressources fossiles (charbon, gaz et pétrole) ne sont pas renouvelables. Or, jusqu’ici, nous les avons consommé sans limite, à tel point que les réserves de pétrole ne se chiffrent plus qu’en quelques décennies de disponibilité. Comme par ailleurs ces trois ressources fossiles sont génératrices de gaz à effet de serre, il y a donc urgence à réduire massivement leur consommation. Il faudrait aussi ajouter les autres gaz à effet de serre dont le méthane, dont la durée de vie est certes plus courte que celle du CO2 mais dont l’impact est plus important.

__Comment modifier les comportements ?__

Trois solutions sont possibles :
* __des dispositifs incitatifs de type fiscalité ou prêt à taux zéro :__ ce sont par exemple tous les dispositifs existants actuellement pour aider au changement de fenêtre ou au changement de chauffage. Leurs principales limites en est le niveau insuffisant pour de nombreux ménages par rapport au coût supporté et la complexité de certains des dispositifs.
* __une règlementation pouvant aller jusqu’à l’interdiction :__ le gouvernement et la majorité UMP-Nouveau centre sont contre les interdictions et très réticents quant à la règlementation. C’est ainsi que les constructeurs automobiles peuvent continuer à mettre sur le marché des véhicules très polluants car l’Europe et encore plus le gouvernement français n’ont pas été capables d’imposer à ces entreprises des normes draconiennes. Or l’intérêt général veut que nous réduisions drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. Il est donc particulièrement choquant qu’on nous oppose la liberté individuelle pour justifier le fait que ceux qui ont les moyens financiers puissent continuer à polluer sans se soucier des conséquences.
* __une régulation par les prix, le prix élevé d’un produit étant sensé dissuader son usage.__ Ce type de solution pose beaucoup de problème. En effet ceux qui ont les moyens peuvent toujours continuer à utiliser des véhicules motorisés ultra polluants et chauffer en laissant les fenêtres ouvertes car la hausse des prix des carburants et du chauffage ne les affecte pas.

Ensuite pour changer de comportement, encore faut-il en avoir la possibilité concrète. Le consommateur doit pouvoir choisir entre des solutions plus ou moins émettrice de gaz à effet de serre. Ce qui est vrai pour le choix entre véhicules plus ou moins polluants – et le système du bonus-malus pourrait d’ailleurs être durci – ne l’est plus lorsqu’il s’agit d’utiliser ou pas une voiture, puisque ce choix est contraint par l’existence ou non de transports en commun. Vivre et travailler près des transports en commun permet de se passer de véhicule motorisé. Il serait donc tout à fait justifié que ceux qui malgré cela préfèrent prendre leur voiture en paient le coût écologique. Mais on n’est pas toujours responsable du choix du lieu de son domicile par rapport à son travail. Aussi une taxe carbone sur les carburants devrait donner lieu à compensation pour celles et ceux qui n’ont pas de transports en commun à disposition et sont donc contraints à l’utilisation d’une voiture.

Car s’il est indéniable que l’étalement urbain est responsable de la hausse d’une partie des GES, en France, contrairement aux Etats-Unis, ce sont les populations modestes qui sont dans les zones les plus éloignées des centres des agglomérations. Ce sont donc eux qui vont payer le coût le plus élevé. Comme ce sont aussi eux qui ont acheté les maisons les moins bien isolées, car moins chères, ils vont être doublement taxés. Quant aux locataires (45% des foyers), ils ne sont pas responsables du choix du mode de chauffage. La taxe ne devrait donc pas être récupérable dans les charges locatives.

On voit donc que la régulation par les prix aggrave en l’état les inégalités sociales. __La question de la compensation est donc fondamentale.__

Le champ d’application de cette contribution pose aussi problème puisque l’exclusion de l’électricité tel que cela semble se dessiner, revient à faire de cette taxe carbone un puissant accélérateur du développement de l’électricité nucléaire par report de consommation des énergies carbonées vers l’électricité, sans oublier le recours aux centrales à fioul et à charbon en période de pic d’utilisation.

__Quelle utilisation des sommes ainsi récoltées ?__
* le produit de cette contribution devrait être affecté à un fonds dédié à la reconversion des modes de chauffage, à l’isolation des bâtiments, au développement des transports collectifs. Or cette proposition d’un fonds de reconversion, que j’avais défendue par amendement lors du dernier débat budgétaire, avait été refusée par le gouvernement.
* Le risque est donc que les montants collectés aillent dans le budget général boucher les trous des choix injustes de fiscalité du gouvernement. Il serait ainsi inadmissible que cela compense la suppression de la Taxe Professionnelle ou que cela entraîne une baisse des cotisations sociales qui reviendrait à aggraver les déficits des comptes sociaux.

La compensation par « chèque » est donc la moins pire à condition qu’elle intègre les différences de revenus et les différences de contrainte par rapport à l’utilisation d’un véhicule automobile. Ce n’est pas simple. Le chèque pour tous n’est donc pas acceptable. Il n’y a aucune raison par exemple qu’un habitant de Paris, travaillant à Paris et chauffé à l’électricité (donc non soumis à la taxe sur son chauffage) reçoive un chèque de compensation. Mais comment faire ? En tous les cas, la précipitation politicienne est la pire solution qui soit. Il fallait prendre le temps de réfléchir pour construire des propositions qui soient équitables et qui permettent effectivement de répondre aux deux objectifs posés : faire prendre conscience du coût et aider aux changements de comportements. En l’état, c’est mal parti.


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