Loi OGM : interventions en séance

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Retour sur quelques unes de mes interventions lors du passage de la loi sur les OGM en première lecture à l’Assemblée. Voici des extraits de la deuxième séance du 3 avril, mettant l’accent sur les questions suivantes :

* à partir de quel taux d’OGM un produit est-il “sans OGM” ? (!)
* quels représentants du monde agricole pourront faire partie du comité économique, éthique et social ?
* l’indépendance des membres des comités
* leurs droits d’expression
* il ne peut y avoir de contamination “non intentionnelle” !
Vous pouvez retrouver l’intégralité du compte-rendu des débats sur [le site de l’Assemblée nationale|http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2007-2008/20080131.asp|fr].

* __Taux de contamination__

Au préalable, je voudrais faire remarquer à notre collègue Copé qu’il est facile de donner des leçons de morale à l’opposition, après avoir expliqué que les parlementaires opposés à cette loi étaient contre les recherches scientifiques. Nous avons dit, dès le début de l’examen du texte, que nous étions contre les cultures d’OGM en plein champ, mais pas en laboratoire. Or vous faites systématiquement l’amalgame. Contrairement à ce que vous prétendez, ce n’est pas nous qui jouons sur les peurs, mais vous. Encore une fois, nous sommes pour les recherches en milieu confiné, car elles ne présentent pas de risques.

J’en viens à l’amendement n° 207. L’alinéa 4 de l’article 1er évoque la « liberté de consommer et de produire ». Or la directive européenne ne parle que d’un taux d’étiquetage, fixé à 0,9 % au maximum ; aucun texte ne fait référence à un taux pour les aliments produits et les semences. L’intergroupe du Grenelle de l’environnement a indiqué, dans ses sept principes, que, « concernant les seuils, il y a consensus sur le fait que le seuil de 0,9 % pour l’étiquetage des produits n’a pas de fondement scientifique ». Ce seuil a en effet été défini à une époque où les instruments ne permettaient pas la détection d’une valeur inférieure à 0,9 %. Et l’intergroupe ajoute : « Il y a accord pour que ce seuil ne s’applique pas aux semences et il y a débat pour savoir s’il faut l’appliquer aux récoltes. » Il y a donc bien trois sujets différents.

L’amendement n° 207 propose donc que, pour la production, le taux soit fondé sur la définition des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dans sa note n° 2004-113.
Au reste, à la page 22 de son rapport, M. Herth précise bien que l’« on ne peut que constater que la réglementation communautaire reste lacunaire ». Et il poursuit : « Face à cette situation, certains États membres ont pris l’initiative de fixer des seuils transitoires qui oscillent entre 0,01 % et 0,9 %. » Rien ne nous empêche donc de fixer un seuil inférieur à 0,9 %. Le fait de vouloir maintenir à tout prix le seuil de 0,9 % pour les semences et les produits finis est une manière d’imposer les OGM sur l’ensemble du territoire national.

Tout à l’heure, l’un de nos collègues nous a dit qu’il fallait cesser de réclamer des cultures sans OGM, car il y en a déjà partout et il faut en prendre acte. Est-ce à dire que, d’une manière générale, il faut se contenter de prendre acte qu’une pollution existe, sans se soucier de prévention ?

Par ailleurs, que se passera-t-il quand on constatera que le seuil de 0,9 % a malheureusement été dépassé en un endroit donné du territoire ? Rien n’exclut que cela puisse arriver en France, et j’ai bien peur que cela ne nous conduise alors à rehausser le seuil à 2 %, comme s’il n’y avait rien d’autre à faire que de hausser les épaules avec fatalisme. C’est en tout cas l’hypothèse la plus probable, car elle s’inscrit dans la dynamique engendrée par ce que nous nous apprêtons à admettre, à savoir que « produire sans OGM » peut tout aussi bien signifier « produire avec 0,9 % d’OGM ».

Afin de prévenir cette dérive, il convient d’abaisser le seuil de 0,9 %. Tel est le sens de notre amendement, qui propose de faire référence, pour la capacité à produire sans OGM, à la définition qu’en donne la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

”Cet amendement n’a pas été adopté.”

* __Composition du comité économique, éthique et social__

L’alinéa 17 de l’article 2 prévoit que le comité économique, éthique et social est composé notamment de « représentants d’organisations professionnelles ». Or, nous savons tous que dans le monde agricole, les positions diffèrent selon qu’on utilise ou non des plantes génétiquement modifiées.

Notre amendement propose de prévoir que les représentants de « l’ensemble des syndicats agricoles à vocation générale » peuvent être membres du comité, ainsi que des représentants de catégories particulières, dont les apiculteurs.

Mon collègue Yves Cochet explique depuis tout à l’heure combien il est important d’associer en tant que tels les représentants des apiculteurs à ces questions : on sait qu’un énorme doute demeure quant aux conséquences des OGM sur les abeilles. On ne peut pas ne pas prendre de précaution, ne serait-ce qu’en vertu du principe du même nom… Force est de constater une mortalité accrue des abeilles, et le phénomène n’est d’ailleurs pas propre à la France : la mortalité des abeilles est également très élevée aux États-Unis, l’un des pays dont le taux de plantes génétiquement modifiées en culture est le plus fort.

Le problème des abeilles intéresse au premier chef les apiculteurs, mais il va bien au-delà. Car tout ce qui a déjà été dit montre que c’est un bon indicateur de la qualité de vie sur Terre.

Le monde agricole comprend également des agriculteurs qui, de par les choix qu’ils ont faits, ne veulent pas vendre des produits contenant des OGM au sens qui a été imposé par ce texte de loi, c’est-à-dire des produits contenant plus de 0,9 % d’OGM. Il s’agit des producteurs de l’agriculture biologique, ou de ceux dont les produits sont sous signe de qualité. Un amendement fameux a été adopté et devrait permettre des limitations de ce point de vue.
Il est très important que l’ensemble de ces acteurs soient associés au sein du comité. Faute de quoi, on peut craindre qu’une seule parole ne soit portée par cette instance, au risque de susciter des contestations très fortes, du fait qu’un débat entre l’ensemble des acteurs concernés n’aura pas pu avoir lieu.

Tel est le sens de notre amendement. Il évitera les situations de blocage liées à la non-représentation d’une bonne partie du monde agricole, qui est particulièrement intéressée à cette question puisqu’elle ne veut pas cultiver ni vendre des plantes génétiquement modifiées, et qui plus est soumise aux contraintes nées de ses engagements, qu’il s’agisse des AOC ou de l’agriculture biologique.

”Cet amendement n’a pas été adopté.”

* __L’indépendance des membres des comités__

Avant de défendre l’amendement n° 266, et pour éviter toute ambiguïté pour ceux qui prendront connaissance des débats, j’aimerais qu’il soit précisé au Journal officiel que l’amendement précédent mentionnait bien les représentants de l’ensemble des syndicats agricoles à vocation générale représentatifs – ce qui inclut la FNSEA, contrairement à ce que vient d’affirmer notre collègue M. Jacob.

L’amendement n° 266 porte sur les garanties d’indépendance. Il est évidemment fondamental pour les membres du Comité scientifique, les présidents des deux comités et le président du Haut conseil, d’éviter les conflits d’intérêts vis-à-vis des entreprises qui œuvrent dans le domaine des biotechnologies. Il s’est déjà produit – malheureusement – dans notre histoire des conflits d’intérêts entre des scientifiques siégeant dans des comités qui rendaient des avis sur des sujets auxquels ils étaient eux-mêmes intéressés. Ainsi – et l’exemple a déjà été cité par mes collègues Yves Cochet et Noël Mamère – le Directeur de recherches de l’INRA est membre de la commission du génie biomoléculaire et détenteur d’un brevet ; il est donc confronté à ce type de conflits. Il est, par conséquent, très important de préciser dans la loi que les membres du Comité et les présidents doivent apporter des garanties d’indépendance.

Monsieur le ministre d’État, vous avez fait référence au code de déontologie. Mais on en connaît aussi, parfois, les limites. Ainsi, porter plainte contre un conflit d’intérêts demande du temps. Vous avez parlé tout à l’heure de bonne foi. Il est toutefois préférable de prévoir ces conflits à l’avance. Il est convient d’être, dès le début, très attentif et très sourcilleux et donc de préciser par la loi ces garanties d’indépendance.

S’agissant des plantes génétiquement modifiées, le sujet est particulièrement sensible et soulève de nombreux débats. Les intérêts économiques en jeu sont très puissants. De plus, les conflits d’intérêts entre chercheurs du secteur public ou privé peuvent se produire d’autant plus vite que, depuis les financements mixtes, des chercheurs du secteur public sont amenés à avoir des participations dans des entreprises privées. Compte tenu de l’irréversibilité des contaminations par OGM, il n’est pas simple d’affirmer que tout chercheur peut prendre des décisions sans garantie d’indépendance au regard de l’opinion publique. Les citoyens de notre pays apprécieront de savoir si les décideurs n’ont pas eux-mêmes des intérêts immédiats, antérieurs ou à venir en matière d’OGM.
Tel est le sens de cet amendement.

”Cet amendement n’a pas été adopté.”

* __Le droits des membres des comités à s’exprimer publiquement__

Le texte qui nous vient du Sénat est tout de même assez fantastique, pour ne pas utiliser de mots plus sévères, et je comprends bien la que la commission essaie de reculer avec son amendement amendé par le Gouvernement, mais ce n’est plus la peine : ralliez-vous plutôt à nos amendements, monsieur le ministre d’État !
Les membres de ces comités ne pourraient plus prendre de position à titre personnel sur les avis rendus par le Haut conseil sans en avertir leur président. Franchement, quel intérêt de l’inscrire dans une loi ? On ferait une loi bavarde, comme disait le précédent président de l’Assemblée nationale. Je comprends bien que le Gouvernement essaie de trouver une position équilibrée entre des volontés assez extrêmes mais, sur le fond, reconnaissons que cela n’a pas lieu d’être.

Je suis en désaccord avec ceux qui défendent aujourd’hui les plantes génétiquement modifiées, que ce soit le colza ou d’autres, mais je me battrai pour qu’ils aient le droit de s’exprimer. Il est fondamental que nos concitoyens soient éclairés en toute transparence, comme le disait notre collègue Grosdidier, sur les enjeux du débat et les conséquences des choix par l’ensemble des associations et des syndicats professionnels de l’agriculture et autres qui seront amenés à prendre position, ainsi que par les structures qui seront mises en place par cette loi. Sinon, cela n’a plus de sens : créons un comité secret et on arrivera à la même situation !

Le plus logique, c’est de supprimer cette disposition même si M. le ministre d’État essaie de s’en sortir par le haut en trouvant une formule qui ne sert pas à grand-chose, il faut bien le dire.

”Les limitations de la libre expression des membres du comité ont été supprimées.”

* __Reconnaissance de la réalité de la contamination__

L’amendement n° 358 tend à supprimer les mots : « non intentionnels », qui semblent sous-entendre qu’on ne connaît pas les risques de contamination des cultures d’OGM, alors qu’on les connaît précisément aujourd’hui.

Si donc cette formule pouvait avoir un sens voici dix ans, écrire aujourd’hui que la culture d’OGM comporte des risques de contamination non intentionnelle revient, permettez-moi de le dire, à modifier la réalité et à tenter de faire comme s’il n’y avait pas de problème. Nous savons tous ici, et même ceux qui continuent à être favorables aux OGM le reconnaissent, qu’il y a un risque de contamination. Ne nous a-t-on pas longuement expliqué, lors de l’examen de l’article 1er, que le taux associé à la mention « sans OGM » était de 0,9 %, au point que notre rapporteur s’accrochait à ce taux de 0,9 % comme un naufragé à sa bouée ?

La contamination par les OGM est donc reconnue de fait aujourd’hui. Évoquer dans le texte du projet de loi une contamination non intentionnelle laisserait supposer que, somme toute, on ne connaît pas les risques des cultures OGM. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de ces deux mots très précis, qui forment une seule expression.

”Cet amendement n’a pas été adopté.”


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