Loi ferroviaire, collectif budgétaire et autonomie des groupes parlementaires

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En France et encore plus à gauche, il est de bon ton de rappeler qu’il n’y a pas de mandat impératif et que donc les parlementaires n’ont pas à dépendre de leur parti pour leurs votes au parlement. Il est indéniable que la Constitution rejette le mandat impératif. C’est positif car en cas d”évolution du parti auquel un député ou sénateur appartient contraire aux valeurs défendues au départ, il est sain de pouvoir voter différemment des consignes données.

En même temps, il est bien évident que les députés ne sont pas élus sur leur bonne bouille mais bien en quasi totalité parce qu’ils ont été présentés ou soutenus par un parti.

On peut donc espérer qu’il y ait un travail collectif entre le parti d’origine et le groupe parlementaire.

Si je pose ce débat aujourd’hui, c’est suite à la loi sur la réforme ferroviaire.
J’ai été très étonnée de voir que tous les députés d’Europe Ecologie sans exception ont voté pour cette loi, pourtant exemple même d’une loi anti-écologique. En effet il s’agit d’anticiper le 4ème paquet ferroviaire européen qui généralise l’ouverture à la concurrence de tout le trafic ferroviaire. Ainsi le texte de loi du gouvernement prévoit bien que le SNCF est un service public ferroviaire mais qui participe du système ferroviaire ce qui en bon français signifie que à côté peuvent exister des sociétés privées. Or nous savons tous que l’ouverture à la concurrence de l’ensemble du service voyageur va déclencher une guerre des prix sur les quelques lignes rentables et que les pertes ainsi occasionnées par la baisse des tarifs sur ces lignes provoqueront, pour compenser, la fermeture des lignes considérées comme non rentables.

Comment les députés EELV justifieront-ils alors leur vote et ses conséquences dans la poursuite du démembrement de l’aménagement du territoire et dans l’augmentation de la circulation routière pour pallier à la disparition du rail ?

Intriguée, je suis donc aller voir l’explication de vote. C’est François de Rugy, le coprésident du groupe EELV, qui l’a prononcé. Entre autres propos, il a affirmé « Cette nouvelle structure garantit un haut niveau de service public ; elle préserve et renforce même le caractère public de notre système ferroviaire et elle est conforme au droit européen…. Les écologistes voteront pour ce projet de loi, texte nécessaire, responsable et prometteur.».

Là, je me frotte les yeux en me disant qu’il y a usurpation de dénomination car aucun écologiste de ce nom ne pouvait voter pour un tel démantèlement programmé du rail dans notre pays !

Renseignements pris auprès des militants de EELV, aucun débat ne semble avoir été organisé dans le parti pour discuter de cette loi et donc les députés ont pris leur décision tout seul. Je ne dis pas qu’il est possible que tous les textes de loi soient débattus dans les partis auxquels appartiennent les députés, mais celui-ci était d’importance et a donné lieu à plusieurs jours de grève des cheminots. Il apparaît donc de bon sens que les partis aient leur mot à dire sur le sujet.

A ce propos, qu’en a-t-il été au Front de Gauche ? Il n’y a pas de lien entre les 10 députés qui s’en réclament et le FdG en tant que tel. Nous avions bien essayé d’obtenir des rencontres programmées pour échanger sur les échéances parlementaires principales, mais nous nous sommes heurtés à un refus, toujours au nom de l’indépendance des parlementaires par rapport aux partis. Ils ont pourtant été élus grâce à notre soutien ! On peut imaginer que au moins les 7 députés du PCF ont des échanges avec la direction de leur parti, même si depuis 1993 ils sont eux aussi libres de leurs votes.

Sur la réforme ferroviaire, il est indéniable que nous étions nombreux à être un peu inquiet après certaines déclarations d’André Chassaigne, le président du groupe.

A commencer par certaines interventions en commission du développement durable « Nous approuvons les objectifs du projet de loi : apporter une réponse aux enjeux de qualité, de coût, de soutenabilité financière du service public, mais aussi de modernité sociale, dans l’intérêt des usagers, des salariés et des territoires. De même, nous apprécions que le ministre souhaite la constitution d’un groupe public ferroviaire fort. » ou « Il faut veiller à ce que certains amendements déposés par des collègues adeptes du libéralisme ne constituent pas des mèches lentes avec un bâton de dynamite au bout. Plusieurs de ceux présentés aujourd’hui peuvent créer des difficultés quant à l’acceptation future du texte. » ce qui laisse sous-entendre qu’à ce moment André Chassaigne s’apprête à adopter le texte. Puis vient sa question au 1er ministre le 17 juin « est-ce que vous vous engagez à ce qu’il puisse y avoir, durant cette discussion, des avancées qui permettent de faire en sorte que nous disposions d’un service public du fer capable de combattre les dysfonctionnements et de répondre aux besoins des usagers ? » suivie de son intervention dans le débat général qui annonçait « c’est en fonction des réponses que vous nous ferez – en particulier sur la question de l’employeur unique – que nous voterons ou non ce texte. ». Tout cela donnait l’impression qu’il suffisait de pas grand chose pour qu’André Chassaigne ne vote pas contre ce texte. Heureusement au final les 10 députés du Front de Gauche ont voté contre cette réforme sinon nous aurions eu du mal à nous présenter devant les cheminots !

La prochaine échéance est le vote mardi du collectif budgétaire.

Aucune inquiétude côté Front de Gauche, tous les députés voteront contre.

Côté EELV, qu’en sera-t-il ? Aucun de leurs amendements significatifs, notamment ceux encadrant le CICE, n’a été adopté. Après l’annonce de la « sous-estimation » de 700 000 euros sur son patrimoine par le ministre Jean-Marie Le Guen, chargé des relations avec le parlement, appeler le peuple français à faire des sacrifices relève de l’indécence la plus totale. Dans ces conditions, les députés devraient encore plus suivre la recommandation de leur parti et ne pas voter pour le collectif budgétaire. Mais à ce jour, il est plus vraisemblable que certains votent pour pendant que d’autres s’abstiendront. Le nombre de ceux qui oseront ainsi tenir tête au gouvernement aura un fort impact politique car cela dessinera le camp de ceux qui rejettent l’austérité dans ce pays.


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