Loi de financement Sécurité sociale pour 2008. « La solution n’est pas de punir les malades mais d’agir à la source des pathologies ».

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Le débat sur le budget de la Sécurité Sociale avec entre autres la création d’une nouvelle franchises de soins a commencé mardi 23 octobre dans l’hémicycle. Il avait été précédé d’un examen en commission des Affaires Sociales. Mais comme hélas toutes les lois ces derniers temps, tout se fait à la va-vite. Le texte de loi a été remis aux députés le jeudi 11 octobre en milieu de journée pour des amendements qui devaient être déposés au plus tard le lundi 15 à 17 heures. L’examen en commission s’est évidemment fait en courant. Comment s’étonner ensuite que les textes de lois soient mal rédigés ou inapplicables ?
Pour la partie hémicycle ce sont donc 5 jours et 5 nocturnes d’examen dans des conditions parfois indignes comme le vendredi matin où au début de la séance seuls 3 députés UMP étaient en séance.
Je ferai un résumé des principales mesures adoptées dans un prochain billet. Ci-dessous mon intervention dans le débat général

Intervention Martine Billard (Verts) discussion générale

3e séance (nuit) du mardi 23 octobre 2007

Mesdames les ministres, les chiffres du déficit des comptes sociaux que vous nous demandez d’entériner sont une preuve supplémentaire de la faillite de la politique UMP de culpabilisation des assurés sociaux et de restriction des droits, une politique que vous mettez en œuvre depuis les lois de 2003 et 2004, tant dans la branche maladie que dans la branche vieillesse.

Alors que la loi Douste-Blazy était censée ramener les comptes de l’assurance maladie à l’équilibre pour 2007, les déficits n’ont cessé de se creuser. Vous qui aimez tant évoquer le passé, vous ne m’en voudrez pas de mentionner les conséquences de l’action de votre précédent gouvernement. Ainsi pour 2007, le déficit s’établit à 11,7 milliards d’euros alors qu’il était prévu à 8 milliards d’euros pour le régime général – sans parler des autres régimes, notamment le régime agricole, qui devient un puits sans fond.

Vous restez dans l’irresponsabilité en refusant toute nouvelle recette significative – pas plus de 2 milliards d’euros prévus –, laissant le déficit prévisionnel à 9 milliards pour 2008, quand vous faites voter 15 milliards de cadeaux fiscaux en juillet. Au lieu d’engranger 3 milliards d’euros en mettant en œuvre les propositions de la Cour des comptes consistant à taxer les stock-options – des propositions que j’ai moi-même reprises au nom des Verts au cours des cinq dernières années, notamment sous forme d’amendements au PLFSS –, vous ne proposez qu’une mesurette de taxation des stock-options à 2,5%, étant précisé que vous n’hésitez pas, dans le même temps, à porter à 7,5% la CSG sur les préretraites.

Avec la multiplication des franchises médicales non remboursées, particulièrement injustes socialement, ce sont les assurés – et surtout les malades – qui paieront. Ces « 50 euros seulement », comme vous l’avez dit, madame, se cumulent avec une autre franchise de 50 euros ; à cette somme qui atteint déjà 100 euros, il convient d’ajouter les autres franchises, ainsi que les déremboursements, dont la liste s’allonge sans arrêt, et les dépassements d’honoraires, qui deviennent la règle dans toutes les spécialités – dépassements contre lesquels vous n’avez pas l’intention de lutter, puisqu’ils ne grèvent pas le budget de l’assurance maladie, mais seulement celui des malades.

Le rapport de l’IGAS d’avril dernier a pourtant clairement montré que ces dépassements constituent une entrave à l’égalité dans l’accès aux soins. Subissant déjà les dépassements d’honoraires, les malades en ALD, les personnes handicapées ou dépendantes, les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles sont censées être «responsabilisées» par ces franchises médicales, alors que, dans leur immense majorité, elles ne sont responsables en rien de leur maladie. Pire, si on prend le cas de l’amiante, les divers responsables n’ont toujours pas été traduits en justice. Quant aux personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer, elles ne seront même pas exonérées d’une franchise censée permettre de lutter contre cette maladie, et sont donc deux fois victimes.

L’état des déficits ne doit pas être le prétexte pour n’adopter que des raisonnements comptables qui aboutiront finalement à un démantèlement de la sécurité sociale suivi d’un transfert aux assureurs privés. Nous ne sauverons pas l’assurance maladie sans un changement de notre système de santé. Il faut penser « santé pour tous » et non « accès aux soins pour quelques-uns ».

L’envolée des dépenses de santé est certes due en partie au vieillissement de la population, mais pas uniquement. Les maladies infectieuses ne sont plus la première cause de mortalité, désormais attribuée aux maladies chroniques comme les maladies cardiovasculaires et les cancers. Entre 1994 et 2004, la hausse du nombre d’ALD a été de 73,5%. Les progressions les plus fortes concernent les cancers, notamment d’origine environnementale – résultant, par exemple, de l’exposition à des substances dangereuses – et le diabète. Les ALD représentent 60% des dépenses de santé.

La solution n’est pas de punir les victimes en les faisant payer toujours plus, mais d’agir à la source des pathologies. La prévention, ce n’est pas que le dépistage et les messages d’information adressés aux assurés, mais aussi la réduction des risques sanitaires en amont, avec une politique active de protection de l’environnement et de la santé au travail. Il s’agit d’agir pour une meilleure nutrition en réduisant les teneurs en sucre, sels et graisses sursaturées dans les produits alimentaires – au lieu de se contenter de quelques messages en marge des spots publicitaires –, de diminuer l’usage nocif des pesticides, d’améliorer les conditions de travail pour faire baisser les troubles musculo-squelettiques ou les dépressions. Or, à voir les coupes claires effectuées par le Gouvernement dans les propositions du groupe de travail sur la santé du Grenelle de l’environnement, la seule politique de nature à rééquilibrer les comptes sociaux tout en améliorant la santé des Français n’est malheureusement toujours pas d’actualité.

Pour réduire intelligemment les dépenses de santé, il faudrait lutter énergiquement – beaucoup plus qu’à l’heure actuelle – contre la surconsommation de médicaments et encadrer les pratiques des laboratoires pharmaceutiques, dont les représentants médicaux poussent toujours plus à la consommation. Ainsi, les bases de données constituées à partir de statistiques de consommation de médicaments fournies par les pharmacies permettent aux laboratoires d’inciter localement à la consommation de populations ciblées. Or, contrairement à ce que l’on a pu entendre, les laboratoires ne sont pas à plaindre : avec 15 % de bénéfices nets annuels, ils préfèrent rémunérer largement leurs actionnaires plutôt qu’investir dans la recherche, Ils ne seront pourtant que faiblement mis à contribution dans ce PLFSS. Il devient urgent de revoir toute la procédure de négociation du prix des médicaments ainsi que la notion de service médical rendu. Rien ne justifie le remboursement de molécules sans utilité supplémentaire ou complémentaire par rapport aux précédentes.

Si nous subissons l’échec patent de la loi Douste-Blazy de 2004 en termes économiques, nous sommes également dans l’impasse sur les questions de démocratie sanitaire. Les associations de victimes ou de malades, qui représentent les usagers du système de santé, ne disposent que d’une représentation limitée, puisqu’elles n’ont qu’un strapontin à la CNAMTS et sont exclues de l’UNCAM. Il y a pourtant urgence à réunir tous les acteurs concernés – Gouvernement et représentants des associations de santé, mais aussi associations de malades, représentants des usagers de la santé et syndicats – dans une négociation sur un Grenelle de la santé que les députés Verts appellent de leurs vœux. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons reconstruire un programme de santé qui préserve la sécurité sociale pour tous, que nous pourrons éviter une privatisation de la médecine au moyen de la définition d’un panier de soins ou de la prise en charge par les assurances privées, privatisation qui contraindrait les personnes disposant des plus faibles revenus à se contenter d’une couverture extrêmement réduite.


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