Pour mieux comprendre la discussion générale et l’explication de vote, vous pouvez également lire les interventions en séance pour défendre les amendements déposés par Hugette Bello, Marie Georges Buffet et moi même, et co-signés par le groupe GDR :
Amendement n°11 , n°19 , n°14 et n° 18 ainsi que les amendements n°12 , n°13 , n°16 et n°17 défendus par Marie-Georges Buffet !
Intervention en DG :
Madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission
spéciale, monsieur le rapporteur, notre Assemblée avait adopté en
première lecture un texte qui faisait l’objet d’un consensus général.
Nous étions toutes et tous contents du résultat, contents pour les
femmes.
Le texte qui nous revient du Sénat nous laisse, en revanche, un goût
quelque peu amer. S’il comporte des améliorations par rapport à la
version issue de nos travaux, il comporte plusieurs régressions qui sont
loin d’être bénignes.
De fait, nous sommes pris en tenaille entre la situation concrète de
femmes qui continuent de mourir toutes les semaines sous les coups de
leur conjoint ou ex-conjoint, et notre souhait de voter la loi la plus
complète possible.
Nous souhaiterions en effet revenir, dans plusieurs cas, à la
rédaction que notre assemblée avait adoptée en première lecture – à cet
égard, je tiens aussi à remercier notre présidente et notre rapporteur
pour le travail accompli –, mais nous n’avons pas la garantie que texte
serait alors réinscrit rapidement en deuxième lecture à l’ordre du jour
du Sénat puis en lecture définitive à celui de l’Assemblée nationale.
C’est donc le Sénat qui, dans les faits, aura le dernier mot, ce qui
n’est pas conforme à l’esprit de la Constitution. Cela étant, nous
préférons engranger des avancées maintenant, même si nous les aurions
aimées plus importantes.
Plusieurs des reculs opérés par le Sénat traduisent un désaccord de
fond quant à l’objectif visé.
Depuis la loi-cadre portée par le Collectif national des droits des
femmes – qui joue un rôle important dans ce combat – jusqu’au texte voté
à l’unanimité par notre assemblée, il s’agissait en principe d’une loi
contre les violences de genre, c’est-à-dire les violences faites aux
femmes parce qu’elles sont femmes.
C’est pourquoi elle ne concernait pas les seules violences au sein du
couple, mais, plus largement, les violences au sein de la famille et
même au travail. À notre grand regret, le Sénat a réduit son champ aux
violences au sein du couple.
Ce refus d’appréhender les violences envers les femmes comme des
violences liées au genre se double du maintien de l’obligation de la
preuve comme préalable à l’ordonnance de protection. L’instauration de
celle-ci repose pourtant sur l’idée qu’il faut agir vite, aider les
femmes victimes à oser briser la spirale de la violence sans attendre
qu’elles soient à l’hôpital. Le Sénat a préféré une rédaction de
l’article 555-11 plus soupçonneuse à leur égard. C’est regrettable.
De même, d’autres suppressions opérées par le Sénat correspondent à
des débats qui avaient déjà eu lieu à propos de la loi de 2006,
notamment sur trois points.
Premier point : la possibilité de refuser le droit de visite et
d’hébergement à un parent violent. Nombre de drames se concluant par la
mort de la femme, voire par celle des enfants, ont lieu lors de
l’exercice de ce droit de visite ou d’hébergement, notamment après une
séparation. Nous souhaitions donc poser clairement le principe de
l’interdiction dans les cas les plus graves, car, comme d’autres l’ont
déjà dit, un conjoint violent ne peut pas être un bon père.
Nos collègues sénateurs ne nous ont pas suivis. Ce sont pourtant,
hélas, des situations trop fréquentes. Il faudra donc s’en remettre à la
bonne appréciation des juges. Espérons que l’idéologie du maintien à
tout prix des liens familiaux reculera, car elle signifie, dans certains
cas, danger de mort pour la femme et les enfants.
Deuxième point : la prise en compte des violences psychologiques et
leur définition. Ne sont plus concernés que les agissements, non les
paroles. Pourtant, des mots blessants, humiliants et répétés peuvent
détruire une femme sans que le moindre geste déplacé soit commis.
Troisième point : le recours à
la médiation pénale. En 2006, il avait été réduit mais non écarté. Or,
tout démontre que le premier coup lève le tabou de la violence. Il faut
alors absolument dire « stop » pour empêcher que les coups ne
continuent. Nous nous réjouissons donc que la médiation soit impossible
en cas d’ordonnance pénale, mais ce ne sera malheureusement pas le cas
lorsque la victime aura choisi de déposer plainte immédiatement.
Sur ces trois points, les avancées demeurent, mais elles sont plus
réduites dans la version du Sénat que dans celle issue de nos travaux.
Je le regrette profondément.
Je voudrais aussi souligner deux autres reculs.
D’une part, la disposition qui permettait au juge de passer outre
l’éventuel veto du parent violent contre un suivi psychologique de
l’enfant témoin de violences sur sa mère est supprimée. Cette
proposition était pourtant, elle aussi, dictée par des situations
concrètes.
D’autre part, la pénalisation du harcèlement sexuel au travail –
hélas trop fréquent – est supprimée.
Madame la secrétaire d’État, l’urgence de l’entrée en vigueur de
plusieurs dispositifs, notamment de l’ordonnance de protection qui est
la grande nouveauté de ce texte, nous amènera à émettre un vote conforme
à celui du Sénat.
J’espère néanmoins que le Gouvernement fera preuve du même sens de la
responsabilité que nous tous, qu’il prendra sans tarder les décrets
nécessaires à son application réelle et qu’il accordera à celle-ci les
moyens financiers qui vont de pair, notamment dans le domaine de la
prévention.
Comme mes collègues, je suis d’accord avec vous, monsieur le
rapporteur : la lutte continue pour de futures améliorations que nous
espérons le plus rapides possibles. »