Lettre ouverte à Alain Vidalies à propos du travail du dimanche

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Cher Alain Vidalies,

De 2002 à 2012, nous nous sommes retrouvés régulièrement sur les bancs de l’Assemblée Nationale, bien qu’appartenant à des groupes politiques différents, pour défendre avec convictions les droits des salariés et la primauté du Code du Travail, qu’attaquaient régulièrement les gouvernements de droite au pouvoir à ce moment-là.
Ta nomination au gouvernement a été la suite logique de cet engagement et je t’en ai félicité. Mais en même temps je m’en suis inquiétée car j’ai pensé qu’une voix forte allait manquer dans l’hémicycle pour poursuivre les combats menés précédemment.

Malheureusement depuis un an, les faits me donnent raison. Déjà lors de la transposition de l’ANI dans la loi, plusieurs articles reprenaient ce contre quoi nous nous étions battus toi et moi avec nos autres collèges socialistes, communistes et du Parti de Gauche, sous les gouvernements de droite.

Mais en tant que ministre et plus particulièrement celui chargé des relations avec le Parlement, tu n’as qu’un choix : te taire ou démissionner.
Aujourd’hui, le débat sur l’ouverture des magasins le dimanche a été relancé par le patronat. Cela ne t’étonnera pas puisqu’au moment de la loi Mallié en juillet 2009 nous avions dénoncé la manière de grignoter peu à peu la loi en la transgressant pas à pas de façon à obtenir régulièrement des modifications sous prétexte de « souplesse » comme dit aujourd’hui Ségolène Royal et comme le disait en son temps Jean-Pierre Raffarin.

Les déclarations du genre « il n’est pas question de remettre en cause le repos dominical mais… » me rappellent trop l’hypocrisie du gouvernement précédent qui a fait modifier le code du travail pour ajouter « dans l’intérêt des salariés » devant « le repos hebdomadaire est donné le dimanche » et s’est ensuite empressé de multiplier les possibilités de travail du dimanche sans aucun autre intérêt que celui des actionnaires des entreprises du commerce.

Que disais-tu à l’époque ?

« Nos concitoyens doivent comprendre que les infractions répétées par des magasins multirécidivistes deviennent subitement des “usages constatés”. Vous nous proposez de légaliser l’action de ceux qui, depuis tant d’années, bafouent la loi, les droits des salariés, le droit de la concurrence. »

Et tu qualifiais le texte de : « Dépourvu d’intérêt économique, légalisant des comportements délictueux, inepte sur le plan environnemental ».

« Si l’on veut bien admettre l’idée que l’augmentation de la consommation dépend d’abord de l’augmentation du pouvoir d’achat, on ne peut alors que constater que l’augmentation, parfois réelle, du chiffre d’affaires le dimanche se fait au détriment, non seulement des autres jours de la semaine, mais surtout des magasins qui sont fermés le dimanche. »

« Oui, le dimanche doit rester un jour à part, celui du repos, des activités sportives et culturelles, de la rencontre avec sa famille, ses amis. Le dimanche doit rester le jour du “ vivre ensemble ” et non devenir celui du “ consommer toujours plus ”. Nous ne voulons pas de la civilisation du caddie, de la transformation du monde en une immense galerie marchande aseptisée. »

« Vous savez parfaitement que, dans la pratique, il faudra accepter de travailler le dimanche pour être recruté : le salarié qui a besoin de travailler pour vivre n’exercera aucun choix. Il sera tout simplement contraint d’accepter cet emploi, parce que, souvent, ce sera le seul qui lui sera proposé. »

Je n’ai rien à redire à ces paroles fortes que j’ai partagées et que je partage toujours.

Si la loi est modifiée une nouvelle fois dans le sens des exigences patronales, le gouvernement auquel tu appartiens restera dans l’histoire de la France, comme celui qui aura tourné le dos à tous les combats de la gauche pour la réduction du temps de travail (allongement du temps de travail par l’allongement de la durée de cotisation pour prendre sa retraite) et pour le droit au repos dominical.


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