La suppression des droits de succession concerne très peu de personnes

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L’UMP se propose de supprimer les droits de succession pour 95% des Français. Il cherche à justifier ce choix en le présentant comme une mesure récompensant le travail et profitant aux plus modestes : « Quand on a travaillé dur toute sa vie, on a le droit de transmettre le fruit de son travail à ses enfants. ». En réalité, il s’agit encore d’une supercherie pour faire passer une mesure profitant à une minorité très aisée.
Aujourd’hui, très peu de successions donnent lieu à imposition : 90 % des transmissions entre époux et 80 % de celles en ligne directe ne sont pas imposées . Et de nombreux dispositifs récents ont accru les possibilités de défiscalisation : assurance vie, abattements sur les donations…

La plupart des successions sont en outre d’un petit montant : la moitié des actifs nets transmis est inférieure à 55 000 euros, et seul un dixième dépasse les 220 000 euros. Au final, les droits de succession aujourd’hui ne représentent que 12,4% de l’actif transmis en moyenne (encore ce taux est-il tiré vers le haut par les très grosses successions qui sont plus taxées). Ainsi, entre époux ou en ligne directe, le taux de 40 % ne s’applique que sur la partie du patrimoine supérieure à 1,7 million d’euros, ce qui ne concerne que le 1 % des plus fortunés. On est loin des déclarations de Nicolas Sarkozy affirmant que sa mesure doit permettre au salarié modeste ayant travaillé toute sa vie de transmettre le fruit de son travail…

La proposition de l’UMP, présentée comme devant profiter à tous, n’est donc qu’un cadeau aux plus riches, en parfaite cohérence avec l’ensemble de sa politique fiscale (bouclier fiscal et suppression de fait de l’ISF).

La suppression des droits de succession encourage la reproduction sociale ; ainsi elle favorise ceux qui reçoivent de leurs parents plutôt que ceux qui créent eux-mêmes la richesse. D’ailleurs les Etats-Unis, le pays des self made men, ont un taux d’impôt sur les successions de 45%. Le patrimoine est déjà très inégalement réparti en France : les 10% des ménages les plus riches détiennent 46% du patrimoine, et les 50% les moins riches 9%

C’est pourquoi elle est aussi inefficace économiquement : « a-t-on jamais vu des ménages relancer leur consommation ou des entreprises créer des emplois suite à une baisse de l’impôt sur les successions ? » (T.Piketty).

Inefficace, injuste, la mesure est aussi coûteuse pour les finances publiques (5 Md€ sur 7 Mds€ de recettes totales). La contrepartie sera sans doute une hausse de la TVA, le plus injuste des impôts : on taxe le consommateur pour exonérer les héritiers.

En définitive, la suppression des droits de succession pour 95% des Français souhaitée par le gouvernement Fillon ne changerait rien pour la très grande majorité des Français, mais permettrait aux très grosses successions d’échapper un peu plus à l’impôt. S’il y a des réformes à faire dans ce domaine, elles ne consistent pas à rendre le système plus injuste comme le propose l’UMP, mais au contraire à réduire certaines inégalités actuelles, pour mieux répondre aux évolutions de la société. La fiscalité française favorise en effet toujours de manière excessive la transmission en ligne directe, de parents à enfants. Ce n’est que très récemment que les droits du conjoint survivant ont été élargis. En revanche, les pacsés sont taxés beaucoup plus fortement, de même que les personnes sans lien de parenté directe.


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