Franchises médicales : question d’actualité posée au gouvernement le mardi 16 octobre 2007

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Compte rendu de la question et de la réponse parue au compte rendu officiel de l’Assemblée Nationale
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Martine Billard. En l’absence de Mme la ministre de la santé, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le Gouvernement a décidé d’instaurer de nouvelles franchises pour les médicaments et les actes paramédicaux, sous prétexte d’un excès de prescription. Or vos mesures ne visent pas à réduire la surconsommation médicale, mais uniquement à diminuer les remboursements pris en charge par l’assurance maladie. Cette logique, loin de prendre en compte les exigences de santé, est purement comptable.

Avec ces franchises, vous prétendez responsabiliser les assurés sociaux. Or appliquer une franchise, c’est décourager la prévention et dissuader les patients de se faire soigner pour des maladies apparemment bénignes mais qui, faute de soins, risquent de s’aggraver. C’est l’inverse d’une politique cohérente de santé publique ! Ce ne sont pas les malades qui sont irresponsables, mais ce Gouvernement, qui, de plus, est cynique ! (« C’est vrai ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Vous avez décidé que ni les malades atteints d’affection de longue durée, ni les victimes d’accidents du travail, ni les victimes de maladies professionnelles ne seront exonérés de ces franchises. Comment peut-on glorifier le travail et pénaliser les salariés malades de leur travail ? Comment prétendre responsabiliser des victimes alors que les coupables n’ont été ni jugés ni même recherchés ? Aucun procès au pénal n’a été engagé contre les responsables des centaines de morts de l’amiante ! Le Gouvernement se targue pourtant constamment d’être aux côtés des victimes ! Mais la France qui se lève tôt est usée par le travail et veut arriver à la retraite en bonne santé.

Monsieur le Premier ministre, vous justifiez les cinquante euros annuels de nouvelles franchises pour financer la lutte contre la maladie d’Alzheimer. Or les personnes qui souffrent de cette maladie ne seront même pas exonérées de franchise ! C’est un comble !

Pouvez-vous nous expliquer quelle est la responsabilité des victimes d’accidents du travail dans leur maladie, des victimes des maladies professionnelles – notamment des victimes de l’amiante –, des malades atteint de cancers liés à des causes environnementales ? Pourquoi persister dans la voie d’une maîtrise comptable des dépenses de santé dont on constate chaque année le terrible échec ? N’est-il pas temps, pour assurer l’avenir de notre système solidaire, d’engager un Grenelle de la santé réunissant l’ensemble des acteurs, assurés, professionnels, syndicats, patronat et associations de victimes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Madame la députée, la franchise est utile, nécessaire et courageuse. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Paul Bacquet. Vous n’y croyez même pas !

M. Patrick Roy. La franchise, c’est une taxe !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Comme vous le savez, cette franchise doit nous permettre de financer les grandes priorités de santé publique que sont la lutte contre la maladie d’Alzheimer, le développement des soins palliatifs et la lutte contre le cancer. Personne ne conteste l’importance des besoins dans ces domaines. La franchise constitue un effort de solidarité de tous pour y répondre, sans reporter, comme on l’a fait si souvent, la charge du financement sur nos enfants.

M. Jacques Desallangre. Et les stock-options, c’est un effort de solidarité ?

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Dire, comme on l’entend parfois et comme vous le suggérez, que la franchise limitera l’accès aux soins n’est pas sérieux.

Cela relève du fantasme et je vais vous le prouver. Pour protéger les plus fragiles, les bénéficiaires de la couverture maladie complémentaire associée à la CMU ne paieront pas la franchise, de même que les enfants et les femmes enceintes. Ce seront au total près de 15 millions de nos compatriotes qui en seront exonérés.

De plus, en vue de protéger les plus malades, son montant ne pourra excéder le plafond de 50 euros par an, ce qui représente quelque 4 euros par mois. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Pour commencer !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Par ailleurs, ceux qui sont pris en charge à 100 % dans le cadre des affections de longue durée continueront à bénéficier de l’exonération du ticket modérateur. Les dépenses de santé restant à leur charge seront donc très faibles et nous irons encore plus loin dans la prise en charge de leur maladie, grâce notamment aux ressources supplémentaires procurées par la franchise.

Il est au moins un point sur lequel nous sommes d’accord : nous devons lutter plus rapidement et plus efficacement en y consacrant davantage de moyens contre la maladie d’Alzheimer et le cancer, tout en donnant à celles et à ceux qui souffrent la possibilité de connaître une fin digne grâce aux soins palliatifs – les élus locaux que nous sommes presque tous savent que c’est loin d’être toujours le cas.

Les familles touchées par ces tragédies comprendront mieux que personne la réalité des politiques que nous menons en vue d’atteindre ces objectifs. Une bonne politique, madame la députée, allie la lucidité au courage. Notre volonté est de faire face aux dépenses nouvelles : c’est la raison d’être de la franchise médicale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)


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