Intervention de Martine Billard au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Devant la situation dramatique de la population palestinienne à Gaza faisant face à une des offensives militaires les plus meurtrières de l’armée israélienne, il était urgent que le Parlement débatte de la position de la France. Aussi, le groupe de la gauche démocrate et républicaine se félicite que sa demande ait été acceptée.
Gaza, c’est aujourd’hui un camp d’internement à ciel ouvert, ravagé par le chômage et la pauvreté, coupé du monde par un blocus militaire, pilonné par une des armées les puissantes du monde. 360 kilomètres carrés de superficie, contrôlé pour presque moitié par une armée d’occupation, avec une population d’environ un million et demi de Palestiniens, sans aucune possibilité de fuir l’horreur des bombardements.
Dans un tel cadre de guerre totale, il y a forcément de nombreuses victimes civiles. Comme l’écrit Uri Avnery, écrivain israélien « pour éviter les pertes parmi nos soldats, la doctrine est de tout détruire sur leur passage. Cela signifie le choix conscient d’une sorte de guerre particulièrement cruelle ». L’ONU ajoute que les civils ne sont en sécurité nulle part dans la bande de Gaza.
Cette nouvelle opération militaire intervient dans un moment de vacance de l’administration américaine. Et l’on peut s’étonner, et s’inquiéter, du silence assourdissant de celui qui sera investi officiellement Président des Etats-Unis ce 20 janvier…En laissant filer le temps, ce qui permet à l’armée israélienne de continuer et intensifier la guerre contre les Palestiniens de Gaza, la nouvelle administration américaine compromet sa crédibilité future à proposer un nouvelle « feuille de route » pour le Proche-Orient.
Cette fois ci, il s’agit pour l’armée israélienne de laver l’affront subi en 2006 au Liban, face au Hezbollah et de démontrer sa capacité à affaiblir durablement le Hamas, qui pour sa part, a un but de guerre très précis : encaisser les coups le plus longtemps possible, pour gagner sur le terrain politique, cette guerre asymétrique qu’il ne peut remporter sur le terrain militaire.
Après trois semaines passées sous les bombes, l’organisation islamiste a malheureusement déjà remporté une victoire politique décisive. Car transformer la vie des gazaouis en enfer, ne conduit pas la population à se soulever contre le Hamas, mais au contraire à faire bloc derrière lui. Si Israël avait voulu faire la démonstration que l’Autorité Palestinienne n’existe plus politiquement et que la seule autorité crédible est le Hamas, il n’aurait pas procédé autrement.
De quoi la population civile de Gaza est-elle coupable ? D’avoir choisi comme représentation politique le Hamas, lors d’élections démocratiques que l’Union européenne avait encouragées, et dont elle n’a pas reconnu le résultat ? Si les propositions de paix, de négociations portées par l’Autorité palestinienne ou par des représentants israéliens et palestiniens comme l’Appel de Genève de 2004 de messieurs Beilin et Rabbo n’avaient pas été systématiquement écartés par les divers gouvernements israéliens qui se sont succédés, le désespoir n’aurait pas jeté les palestiniens dans les bras du Hamas.
Aussi la responsabilité de l’Europe est réelle dans le manque de soutien déterminé à ces initiatives.
Rappelons aussi que lorsque la médiation des gouvernements arabes avait abouti à un projet de gouvernement d’union nationale palestinienne, Israël, l’administration américaine et l’Union européenne ont refusé cette perspective et ont entériné la partition de fait entre Gaza et la Cisjordanie, renforçant ainsi le sentiment des palestiniens que le Hamas est la seule force sur laquelle ils peuvent compter.
Israël a dialogué et négocié une trêve, en juin dernier, fondée sur deux principes : l’arrêt des tirs de roquettes contre les villes israéliennes et la levée du blocus de Gaza. Comme quoi les gouvernements israéliens ne s’interdisent pas systématiquement de négocier avec le Hamas.
Mais le blocus a été renforcé et Israël a procédé à une intervention le 4 novembre 2008, brisant la trêve jusque-là respectée par le Hamas. Celui-ci a alors repris les tirs de roquettes. Deux mois avant les élections israéliennes, c’était prendre le risque de provoquer une intervention militaire. Il faut dénoncer sans nuances l’attitude du Hamas, approvisionné par l’Iran, et les tirs de roquettes sur le sud d’Israël, mais il n’est pas inutile de rappeler le contexte dans lequel cela se situe…
Ne serait-ce que pour éviter de sombrer dans cette logique qui consiste à ne pas faire de différences de nature entre les protagonistes de ce conflit, tellement nous sommes embrouillées par les postures, le spectre religieux et le poids de l’histoire qui nous tétanise. Dans ce petit espace où deux peuples vivent entremêlés, quelques vérités doivent être rappelées :
Il existe une situation coloniale. Tant qu’Israël ne voudra pas comprendre qu’un Etat démocratique ne peut coloniser un peuple sans que ce peuple ne résiste. Israël a tort de penser que son projet de bantoustans peut se perpétuer et fonctionner. Aujourd’hui la transformation de la Cisjordanie en confettis palestiniens de plus en plus petits, isolés les uns des autres, ne peut qu’entretenir le désespoir d’une population palestinienne qui a l’impression que son espoir de pouvoir vivre un jour ou l’autre, en paix, dans un Etat indépendant, ressemble de plus en plus à une chimère.
Tant qu’un projet viable d’Etat palestinien, avec Jérusalem-Est pour capitale, ne sera pas à son ordre du jour, il n’y aura pas de paix et de sécurité durable pour Israël. A moins de caresser le rêve fou d’évacuer la Cisjordanie de ses habitants et de mettre Gaza sous tutelle égyptienne.
On ne fait la paix qu’avec son ennemi. En son temps, le général de Gaulle a finalement négocié avec le FLN. Israël a construit politiquement le Hamas et liquidé le nationalisme laïc représenté par le Fatah. Il faudra donc qu’il se résolve un jour à dialoguer et à négocier avec le Hamas. Les plus de 900 victimes, dont 275 enfants et les 4000 blessés de cette offensive ne constitueront qu’une nouvelle tâche de sang, après Der Yassin, Sabra et Chatila et Jénine. Ils ne font que renforcer les partisans de la guerre de civilisation, du communautarisme, du racisme et de l’antisémitisme, partout dans le monde.
Le renforcement de l’intégration économique et politique avec Israël, sous le présidence européenne de Nicolas Sarkozy, et ce sans aucune condition, sans aucun engagement sur un règlement politique du conflit et le démantèlement des colonies, a privé l’Europe de capacités à agir en faveur d’un règlement politique du conflit.
Depuis 1948, le monde a été incapable de faire respecter la moindre résolution de l’ONU dans la région.
Les deux peuples doivent maintenant trouver en eux-mêmes la voie de la paix. Ils ne pourront y parvenir que si chacun renonce à ses utopies : celle du Hamas, qui persiste à nier l’existence de l’Etat d’Israël ; celle d’Israël, qui continue la colonisation, envers et contre tout, en misant sur le pourrissement de la situation interne aux Palestiniens et sur l’indifférence des États devant la tuerie.
Toutes les interventions militaires de l’armée israélienne ont été faites au nom de la recherche de la sécurité. La sécurité du peuple israélien n’est toujours pas assurée, et cette offensive, comme les précédentes, est vouée à un nouvel échec politique. Elle ne fera que nourrir un peu plus la haine et le ressentiment.
Le gouvernement israélien est responsable des massacres en cours. Accuser le Hamas de tenir la population civile en otage lorsque celle-ci n’a aucune solution de fuite puisque Israël ne lève pas le blocus n’a pas de sens. Les Palestiniens ont droit, eux aussi, à la sécurité, à la dignité, au respect, et à leur terre.
Nous sommes à la troisième semaine de l’opération « Plomb Durci » et le massacre des Palestiniens à Gaza continue. Plus il y a de morts plus on se sent impuissants, écoeurés, révoltés devant l’ampleur de la tragédie.
Le plus terrible pour l’avenir, c’est que l’agression israélienne est en train de détruire la légitimité de l’Etat d’Israël aux yeux du monde arabe et en premier lieu à ceux du peuple palestinien. Cette légitimité avait été acquise grâce au processus de paix et à la reconnaissance commune de l’OLP et de l’Etat d’Israël. Après Gaza, il faudra reprendre ce travail de Sisyphe, mais il est fort possible que ce soit, cette fois, le Hamas qui devienne pour longtemps le nouvel interlocuteur de l’Etat d’Israël. Triste bilan pour ces pompiers pyromanes !
Pour l’heure, il faut tout faire pour que cesse le carnage. Et pour cela, il faut agir, et contraindre le gouvernement israélien à cesser les opérations militaires. La présidence française a incité le Conseil des ministres de l’Union européenne à prendre en décembre dernier la décision de « rehausser » les accords de coopération avec Israël et ce contre l’avis majoritaire du Parlement européen, donnant ainsi une caution inespérée pour cette intervention à Gaza. Ces accords de coopération doivent être gelés, tant qu’il n’y a pas un engagement ferme en faveur de la paix. Il faut aussi prévoir une force d’interposition des Nations unies.
Je joins ma voix à la demande faite par des personnalités en faveur de l’envoi d’un navire-hôpital de la marine nationale au large de la bande de Gaza pour faire face au désastre humanitaire.
Les graves violations à la quatrième Convention de Genève relative aux crimes de guerre, le refus d’appliquer par le gouvernement israélien et les porte-parole du Hamas a résolution 1860, appelant à un cessez le feu doivent conduire le gouvernement français à saisir, comme le proposent déjà nombre de mes collègues, l’assemblée générale des Nations Unies au regard de la résolution 377, « S’unir pour la paix ». Cette réunion est indispensable dans la mesure où le Conseil de sécurité est divisé sur les moyens à prendre pour rétablir la paix et la sécurité internationale.
C’est parce que nous agissons pour la paix que nous soutenons les pacifistes des deux camps, dont ces Israéliens anti-guerre qui manifestent tous les jours dans les rues de Tel-Aviv pour s’opposer au carnage en cours. C’est en agissant pour la paix et la justice que nous pouvons faire preuve d’autorité contre les débordements de haine et de racisme que cette guerre suscite, notamment sur notre territoire, et que nous condamnons de manière unanime.
Monsieur le ministre, les jours passent. Le nombre de victimes augmente, la France va-t-elle accentuer sa pression sur Israël en s’en donnant les moyens afin d’arrêter cette guerre?