Ce gouvernement n’est jamais capable de respecter sa parole

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Cette fois ci, ce sont les journalistes qui en font les frais, au détour d’un sous-amendement au projet de loi “Création et Internet”. Ci-dessous, un communiqué du SNJ, puis les échanges correspondants lors du débat en séance le jeudi 2 avril (vers 22h).
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__Droits d’auteur des journalistes : le vote des députés UMP éloigne l’espoir d’un consensus__

Le SNJ, réuni en Comité national à Paris, condamne vigoureusement le manquement à la parole donnée des députés UMP concernant les droits d’auteur des journalistes lors du vote de la loi Création et Internet la nuit dernière.

Dans un courrier du 31 mars, le président du groupe UMP Jean-François Copé, avait assuré le SNJ de la détermination des députés de son groupe à mettre en œuvre les engagements pris par le Président de la République lors des Etats généraux de la presse écrite.

En adoptant des sous-amendements dictés par la fraction extrémiste des éditeurs de presse, les députés de la majorité ont détruit l’équilibre délicat auquel était parvenu un groupe de journalistes et d’éditeurs, un projet pourtant soutenu par le gouvernement et le Président de la République. Seul, le respect de cet équilibre était de nature à garantir la stabilité sociale dans les entreprises de presse, d’autant que l’un des amendements votés modifie le Code du travail, affectant en profondeur le statut professionnel du journaliste.

Tout n’est pas perdu : députés et sénateurs peuvent encore rétablir cet équilibre lors de la Commission mixte paritaire qui doit se réunir dans les prochains jours.

C’est la condition sine qua non de l’apaisement du conflit sur les droits d’auteur dans les rédactions.

Paris, le 3 avril 2009
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__M. le président.__ Nous passons au sous-amendement n° 532.

Vous avez la parole, monsieur Kert.

__M. Christian Kert.__ Ce sous-amendement vise à prendre en compte la révolution numérique en cours : le journaliste peut désormais être amené à travailler sur les différents supports du titre de presse. Si tel ne devait pas être le cas, cela doit être précisé dans le contrat de travail ou, pour les pigistes, dans toute autre convention de collaboration ponctuelle.

Pour les contrats de travail en cours d’exécution, un avenant devra être conclu pour prévoir que la collaboration du journaliste est désormais multi-support. Le refus par le journaliste de conclure un tel avenant ne saurait être considéré comme une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Pour les journalistes déjà salariés qui concluent cet avenant à leur contrat de travail, l’employeur, dans le cadre de son obligation de formation de ses salariés, fera un effort particulier pour adapter leurs compétences au travail sur différents supports. En effet, en application d’un article du code du travail, il lui appartient de veiller au maintien de la capacité de ses collaborateurs à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des compétences, des technologies et des organisations.

__M. le président.__ Quel est l’avis de la commission ?

__M. Franck Riester__, ”rapporteur.” J’attends l’avis du Gouvernement.

__M. le président.__ Quel est l’avis du Gouvernement ?

__Mme Christine Albanel__, ”ministre de la culture.” Sagesse.

__M. le président.__ Monsieur le rapporteur ?

__M. Franck Riester__, ”rapporteur.” Favorable.

__M. le président.__ La parole est à Mme Martine Billard.

__Mme Martine Billard.__ Nous arrive abruptement un amendement du Gouvernement de sept pages, censé être conforme à l’accord obtenu avec les représentants des journalistes et des entreprises de presse. Nous n’avons pas le temps de l’étudier et de procéder aux vérifications nécessaires. Nous arrivent ensuite onze sous-amendements, et nous n’avons pas non plus les moyens de vérifier en séance s’ils dénaturent ou non le texte.

En l’occurrence, ce dernier sous-amendement de M. Kert n’est pas anodin parce qu’il porte sur un sujet qui fait débat dans la profession et qui est au cœur des conflits entre journalistes et propriétaires de presse.

J’appelle donc à voter contre, car soit il y a eu accord des syndicats, ce qui m’étonnerait, soit on est en train d’essayer de faire passer ainsi à la faveur d’un sous-amendement une disposition qui risque d’être très controversée.

Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quelle est la position des syndicats de journalistes sur cette question ? Je crains que ce ne soit pas la position défendue par M. Kert.

__M. le président.__ La parole est à Mme la ministre.

__Mme Christine Albanel__, ”ministre de la culture.” C’est vrai que le sujet fait l’objet de très longues discussions. Je crois que les journalistes sont conscients que des modifications sont nécessaires et il y a dans ce sous-amendement une conception de la collaboration au niveau des groupes qui a sa logique. C’est la raison pour laquelle je m’en suis remise à la sagesse de l’Assemblée.

__M. le président.__ La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

__M. Jean Dionis du Séjour.__ Il est vrai que nous avons peu de recul sur le sujet, mais puisque celui-ci est en débat, je dois dire que l’amendement de M. Kert me paraît a priori très important. Je ne vois pas comment, dans une entreprise de presse moderne, les nouveaux contrats avec les journalistes pourraient ne pas être considérés comme étant multi-supports. Cela me semble très important pour la survie de la presse : comme elle offrira forcément des titres papier et des titres en ligne, une véritable polyvalence est nécessaire.

En outre, le dispositif est « bordé » : pour les contrats de travail en cours d’exécution, un avenant devra être conclu ; le refus du journaliste de « basculer » ne sera pas un motif de licenciement ; enfin, une contribution de l’employeur à la formation est prévue. Le sous-amendement est donc respectueux des contrats en cours. N’ayant aucune idée de la manière dont pourrait fonctionner une presse moderne sans cette polyvalence, je voterai le sous-amendement.

__M. le président.__ La parole est à M. Patrick Bloche.

__M. Patrick Bloche.__ Comme Martine Billard, je trouve que l’avis de sagesse émis par Mme la ministre introduit un élément de perturbation. Sur cette affaire, les députés de l’opposition sont prêts à voter le « Blanc », rien que le « Blanc ». L’amendement n° 490 rectifié du Gouvernement fait sept pages ; nous n’avons pas eu le temps de le lire mais n’avons pas demandé de suspension de séance pour ce faire, car nous croyons en la parole d’une ministre de la République.

Sur les quelque onze sous-amendements de M. Kert, nous étions même prêts à suivre les avis favorables ou défavorables de Mme la ministre. Si elle dit « sagesse », tout s’écroule comme un château de carte ! Je préférerais, madame la ministre, que vous disiez ce que vous pensez de ce sous-amendement. Si vous maintenez une position de sagesse, nous aurons tendance à considérer que ce n’est pas le « Blanc », rien que le « Blanc », et que votre amendement ainsi sous-amendé rompt l’équilibre obtenu entre journalistes et éditeurs.

Il ne s’agit pas d’un problème d’appréciation personnelle, mais de la nécessité de maintenir un point d’équilibre très fragile.

__M. le président.__ La parole est à Mme la ministre.

__Mme Christine Albanel__, ”ministre de la culture”. Ce point ne fait pas partie des conclusions du « Blanc ». Il est vrai que c’est un sujet complexe et sensible. J’ai donné un avis de sagesse car nous pensons qu’il revient à chaque entreprise de s’organiser en fonction de la périodicité et de la nature de ses publications. Notre souci est donc plutôt de préserver la liberté des entreprises.

(Le sous-amendement n° 532 est adopté.)


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