En tant que vice-présidente du groupe d’amitié France-Bolivie de l’Assemblée nationale, j’ai participé la semaine dernière à une délégation qui s’est rendue en Bolivie pour un séjour sur place assez court de quatre jours, plus une journée au Pérou, à Lima.
((/public/photos/.Assemblee_Bolivie2_m.jpg|Assemblee_Bolivie2.JPG|C|Assemblee_Bolivie2.JPG, oct. 2011))
J’ai pu profiter de ce séjour pour essayer de comprendre où en était le processus lancé avec l’accession au pouvoir d’Evo Morales, premier président indigène, le 22 janvier 2006, réélu le 6 décembre 2009 avec plus de 64% des voix et la majorité dans les deux chambres du Parlement. J’y étais déjà allé il y a trois ans, cette fois là individuellement, au nom des Verts. Le fait de parler couramment espagnol m’a permis d’avoir non seulement des conversations officielles, parfois très protocolaires, mais surtout beaucoup d’échanges informels avec des personnes très différentes.
L’économie se porte plutôt bien et les chefs d’entreprise sont plutôt contents de la stabilité politique actuelle et de ses conséquences en terme de bon climat pour faire des affaires. Le PIB est en augmentation et le niveau de vie moyen aussi. Ceci étant il semble bien qu’une certaine déception et une certaine impatience se fasse jour dans la population devant les besoins immenses en termes de santé (toujours pas de couverture santé pour toutes celles et ceux qui ne travaillent pas comme salariés sous contrats) et en termes d’éducation (dans les faits, l’école n’est toujours pas réellement obligatoire et il y a un manque crucial de salle de classes et d’enseignants).
Mais surtout, un conflit sur la construction d’une route dans un parc national (TIPNIS ou Territoire Indigène et Parc National d’Isiboro Sécure), situé au cœur d’une réserve naturelle, a évolué en crise politique.
En effet, la nouvelle constitution de la Bolivie affirme clairement les droits des communautés indigènes à être consultées sur tout projet d’aménagement les concernant ainsi que la primauté de la défense de l’environnement. Or cette route, venant du Brésil, traverse une zone remarquable par sa biodiversité et où vivent plusieurs communautés indigènes. Le parc naturel, créé en 1965, est reconnu comme un « territoire indigène » depuis 1990. Il se situe entre les régions de Cochabamba (au centre du pays) et du Béni (au nord-est du pays) et s’étend sur une superficie de 12 000 km². La réserve est habitée par environ 7 000 individus, dispersés entre 53 communautés indigènes. Elle abrite en son sein 714 espèces animales et plus de 400 espèces de fleurs. On estime également que près de 3000 espèces de plantes n’ont pas encore été répertoriées (d’après Wikipedia).
Or, si certaines communautés acceptent la route, payée par le Brésil, qui doit relier San Ignacio de Moxos au Béni à Villa Tunari dans l’état de Cochabamba, d’autre la refusent. Depuis le 15 août, plus de mille personnes membres de ces communautés ont entrepris une marche sur La Paz depuis Trinidad, la capitale du département du Béni.
((/public/photos/.Assemblee_Bolivie1_m.jpg|Assemblee_Bolivie1.JPG|R|Assemblee_Bolivie1.JPG, oct. 2011))
Evo Morales a réaffirmé à plusieurs reprises que la route se ferait. Mais l’opposition de certaines des communautés a été rejointe par des ONG, notamment trois qui ont pourtant été dirigées par plusieurs des actuels ministres du gouvernement et qui ont été à la pointe d’un travail social et environnemental, partie prenante de l’accession au pouvoir d’Evo Morales. Se sont aussi joints au mouvement des syndicats.
Cette mobilisation a débouché sur une crise politique, bon nombre de soutiens de Morales ne comprenant pas son refus de dialoguer et se trouvant déstabilisés par le hiatus entre son image de défenseur des indiens et de l’environnement et la négation de ces deux dimensions dans ce cas précis.
Les explications du MAS (le parti d’Evo Morales) sont que cette route est indispensable pour le développement, notamment de l’élevage, en améliorant les liaisons avec le Brésil sans être obligé de passer par la ville de Santa Cruz. Un tracé à la limite du parc coûterait plusieurs centaines de millions de dollars en plus.
Le MAS dénonce le fait que l’opposition se soit engouffrée dans le soutien à la mobilisation. Ce n’est pas faux, et les déclarations traitant Evo Morales de fasciste sont stupides politiquement et inacceptables. Parce que si c’est le fascisme à cause de la tentative de dispersion de la marche par la police avec usage des gaz lacrymogènes, alors vu le nombre de fois où cela arrive en France, nous vivons dans un pays ultra fasciste !! Tenir ce genre de discours serait bien évidemment absurde, il l’est donc aussi pour la Bolivie. Ceci étant, j’ai eu des discussions avec plusieurs personnes qui n’appartiennent pas du tout à l’opposition et qui étaient au contraire des soutiens inconditionnels d’Evo Morales jusque là et qui ne comprennent pas ce refus du dialogue et cette volonté de passer en force.
Cela provoque de gros dégâts politiques avec y compris la démission de la ministre de la défense suite à la répression policière déployée le dimanche 25 septembre pour disperser la marche.
La COB, la principale confédération syndicale bolivienne a appelé à une grève générale en soutien.
Evo Morales a annoncé la suspension des travaux. Il propose la tenue d’un référendum sur la question à l’échelle du département du Béni et non uniquement auprès des populations indigènes concernées. Pas sûr que cela suffise à détendre la situation.
A part cela la Bolivie est un pays splendide et ses habitants sont très chaleureux et très accueillants.