Il faut d’abord rappeler que ce dispositif ne date que de 1971 et qu’il avait pour objectif d’introduire pour les femmes salariées du secteur privé un dispositif similaire à celui qui existait depuis de nombreuses années dans le secteur public. Les femmes du secteur privé se sont donc vu accorder huit trimestres de retraite supplémentaire par enfant.
Il faut aussi ne pas oublier que le montant moyen de la retraite des femmes s’élève à 62 % de celle des hommes ; 50 % des femmes à la retraite touchent moins de 900 euros, alors que ce n’est le cas que pour 20 % des hommes ; trois femmes sur dix doivent attendre 65 ans pour bénéficier d’une carrière complète ; enfin, il a été établi que le montant des pensions diminue avec le nombre d’enfants. Les femmes sont donc victimes pour leur pension de retraite de discrimination indirecte subie pendant toute leur carrière professionnelle.
– Dans sa décision du 14 août 2003, le Conseil constitutionnel admet l’attribution aux mères d’avantages sociaux liés à l’éducation des enfants, afin de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont, jusqu’à présent, été l’objet. Pour ce qui est de la demande d’extension aux hommes de la MDA, le Conseil constitutionnel répond que « la mesure demandée ne ferait, en l’état, qu’accroître encore les différences significatives déjà constatées entre les femmes et les hommes au regard du droit à pension ».
– L’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme interdit les discriminations directes, mais aussi indirectes. La Cour a précisé que « peut être considérée comme discriminatoire une politique ou une mesure générale qui a des effets préjudiciables disproportionnés sur un groupe de personnes même si elle ne vise pas spécifiquement ce groupe ».
– La loi du 27 mai 2008 reconnaît les discriminations indirectes, suite à la transposition des directives européennes.
– Une première décision de la chambre civile de la Cour de cassation en 2006 avait accepté d’étendre le dispositif de MDA uniquement aux hommes ayant élevé seuls un enfant – on peut effectivement considérer, dans ce cas, qu’ils ont assumé la charge de l’éducation du ou des enfants. Aussi, la décision de février qui remet en cause cette jurisprudence et semble consacrer une extension générale du dispositif à tous les hommes n’est qu’une décision par rapport à de nombreuses autres.
Par conséquent, on ne peut que s’étonner de la précipitation du Gouvernement : en tout état de cause, la décision du Conseil constitutionnel est supérieure à celle de la Cour de cassation, qui pourrait très bien être remise en cause par une décision ultérieure.
Il était donc possible de maintenir la MDA en changeant simplement de fondement juridique, afin de ne pas fragiliser le dispositif.
La délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale a clairement fait connaître son opposition à la modification du dispositif de majoration de la durée d’assurance tel proposé.
Il était possible de défendre le texte comme une politique positive, ce que permet, contrairement à ce qui a été dit, l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, dès lors que l’inégalité entre les femmes et les hommes au moment de la retraite est constante. C’est d’ailleurs un argument qui avait utilisé par le Gouvernementà propos du contrat première embauche.
Il y a eu plusieurs arrêts de la Cour de cassation ; le dernier est effectivement défavorable aux femmes, en ce qu’il impose de donner les mêmes droits aux hommes et aux femmes, en considérant que, sinon, une discrimination au détriment des hommes serait établie.
Mais il y a un problème : si les hommes obtiennent cette majoration, les écarts de pension vont se maintenir, voire s’aggraver, puisque le dispositif va encore améliorer les retraites des hommes, et diminuer celles des femmes.
Il faut traiter les inégalités professionnelles et il serait bien sûr préférable de les supprimer, afin qu’il n’y ait plus d’inégalités au moment de la retraite. Dans l’attente de la réalisation de cette utopie, les femmes se font avoir pendant leur carrière professionnelle, et elles se font avoir par-dessus le marché au moment de la retraite ! Donc, s’il s’agit de la réparation d’un préjudice subi, n’ont à entrer en ligne de compte ni la maternité ni le congé parental ni l’allaitement ni aucune autre disposition sinon on prend le risque d’une remise en cause, puisque la maternité ne dure pas un an et que l’éducation des enfants peut être assurée par les hommes comme par les femmes. Tel qu’il est écrit, le nouveau dispositif est donc fragile au regard du droit. Si, de plus dans les décrets, sont introduit des précisions, par rapport à la maternité pour la première année, par rapport au congé parental ou autre pour la deuxième année, de fait le dispositif posera problème car, en droit européen, il pourra alors être dit que la seule compensation devra se faire par rapport à la durée de l’’arrêt maternité – et, dans ce cas, la durée de l’avantage de durée d’assurance sera réduite.
__La majoration de durée d’assurance (MDA) n’est pas un avantage, c’est une compensation ! C’est la réparation d’un préjudice subi par les femmes en matière de retraite. Il est donc juste de le défendre.__