Quand la parité se voit réduite à limiter les dépenses liées aux élections partielles
Intégralité du débat à l’Assemblée du mardi matin 5 février 2008
http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2007-2008/20080115.asp
Mes interventions dans ce débat
»Mme Martine Billard. » Madame la présidente, madame la ministre, mesdames, messieurs, s’agissant de la parité dans les assemblées élues en France, le constat est terrible ! Heureusement qu’il y a eu quelques lois volontaristes, sinon la parité n’aurait pas beaucoup progressé ! Monsieur le rapporteur l’a dit tout à l’heure, il y a 48 % de femmes élues dans les grandes villes. Peut-être suis-je un peu jusqu’au-boutiste, mais ce n’est pas encore la parité, d’autant que les femmes sont plus nombreuses que les hommes ! La parité, c’est donc un principe, mais pas un quota, contrairement à ce que certains pensent souvent. Pour les scrutins uninominaux, les avancées sont plus que faibles : à l’Assemblée nationale, 18 % en 2007, contre 12 % en 2002.
»M. François Rochebloine. » Cela fait 50 % d’augmentation !
»Mme Martine Billard. » Oui, mais 50 % de pas grand-chose, cela fait toujours pas grand-chose !
La situation est la même pour les conseils généraux et le Sénat, même celui-ci est élu en partie au scrutin de liste, avec les effets pervers déjà dénoncés. Au total, dans les scrutins de liste à la proportionnelle, la parité arrive peu à peu à s’imposer. Dans les autres cas, les avancées sont si lentes que, comme l’a dit la présidente de la délégation aux droits des femmes, nous y serons encore dans soixante-dix ans !
Ce texte de circonstance propose l’instauration d’un « ticket paritaire ». La délégation aux droits des femmes a fourni des chiffres : en admettant que ce soient seulement des hommes qui décèdent ou qui démissionnent, ce qui n’est pas impossible, étant donné la faible proportion de femmes dans les conseils généraux,…le nombre de femmes augmenterait en six ans de près de 16 %. Le moins qu’on puisse dire est qu’on reste encore bien loin de la parité. Je rappelle que, selon les données dont nous disposons, les décès représentent un tiers du renouvellement. Autant dire que les femmes suppléantes vont devoir espérer le décès des titulaires. Avouez que, dans une démocratie, il n’est pas très sain qu’elles en soient réduites à cela !
De plus, si le pourcentage des décès est constant, ce n’est pas nécessairement le cas des démissions pour cumul des parlementaires nationaux – députés et sénateurs –, qui fait l’objet de ce texte. S’il y a en eu beaucoup pendant les six dernières années, c’est aussi parce que les élections municipales et générales avaient eu lieu avant les élections législatives. L’ordre des scrutins étant, cette fois, inverse, on peut penser qu’il y aura beaucoup moins de démissions pour cumul après les prochaines élections municipales ou cantonales.
»Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes ». Très juste !
»Mme Martine Billard. » Le renouvellement, dont vous supposez qu’il se fera au bénéfice des femmes, risque d’être, cette fois, bien moins important.
»Mme Marie-Jo Zimmermann présidente de la délégation aux droits des femmes. » En effet !
»Mme Martine Billard ». En outre, le système du « ticket paritaire » – quelle expression horrible ! – peut avoir un effet pervers. Pourquoi donner un coup de pouce, dans le but qu’il y ait plus de femmes candidates aux conseils généraux, puisqu’il suffira de les choisir pour suppléantes, afin d’obtenir un nombre satisfaisant de candidates ? On risque en conséquence de déplorer une régression, le texte risquant d’entraîner la diminution du nombre de femmes réellement élues conseillères générales.
Mme Martine Billard. J’ai entendu les arguments du rapporteur et de Mme la ministre. L’un d’entre eux, repris par M. Blanc, revient en boucle : le texte permettra d’éviter un trop grand nombre de partielles, qui coûtent cher.
»M. Thierry Mariani, rapporteur ». C’est exact !
»Mme Martine Billard. » En tant que femmes, je trouve cet argument humiliant. »(Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) »
»Mme Martine Billard. » Il est profondément vexant de laisser aux femmes la seule perspective de limiter les dépenses budgétaires de l’État. C’est lamentable !
»M. Thierry Mariani, rapporteur. » C’est la mort des hommes qui coûte cher ! (Sourires.)
»Mme Martine Billard. » D’ailleurs, je vous signale un point que vous avez oublié : cette proposition de loi vise à modifier un texte qui a été mal rédigé, et vous allez peut-être devoir en faire voter un troisième. En effet, comme l’a indiqué M. Derosier, il est vraisemblable que beaucoup de ministres vont être candidats et laisser ensuite la place à leur suppléante. Mais qu’en sera-t-il pour les députés ? Au moment du renouvellement, les suppléants, hommes ou femmes, n’ont pas le droit de se présenter contre le député sortant. En introduisant un système paritaire, vous pensez que, si les hommes décèdent ou démissionnent pour cause de cumul, certaines femmes seront élues conseillères générales.
En cas de décès, le renouvellement ne posera évidemment pas problème. (Sourires.) Mais, en cas de démission pour cumul, sachant que la longévité d’un ministre est brève – il est recruté pour effectuer un « CDD de projet », comme diraient certains élus de la majorité –, la situation sera complexe. La femme devenue conseillère générale pourra se présenter de nouveau. Mais celui qui ne sera plus ministre aura le droit de se représenter contre la conseillère sortante.
Le problème risque de se poser, car vous n’avez pas prévu, comme pour les députés en pareil cas, l’impossibilité qu’il se représente. Les femmes ne serviront en somme qu’à boucher les trous, pendant que ces messieurs auront le droit d’être ministres.
Tant qu’il n’y aura pas de réforme au fond limitant d’abord le cumul des mandats – notre pays est le plus tolérant en la matière et, lorsque les autres élus européens apprennent combien de mandats peut cumuler un Français, ils ouvrent de grands yeux – et introduisant ensuite dans l’ensemble des scrutins une dose de proportionnelle comme il en existe sur le plan municipal ou régional, il faudra attendre des années, soixante-dix ans peut-être, voire beaucoup plus,…
. …avant que la représentation des femmes soit plus importante. On sait que les Verts sont favorables à une simplification des niveaux et proposent depuis longtemps d’en supprimer un, pour répartir les compétences des départements entre l’intercommunalité et les régions, quitte à redécouper éventuellement certaines d’entre elles.
Pour revenir au débat de ce matin, ce texte est tout aussi mal fait que le premier. Peut-être cette proposition de loi permettra-t-elle l’élection de quelques conseillères générales de plus, mais elle n’instaurera certainement pas la parité. Elle vise plutôt à réduire les coûts de l’État, ce qui est scandaleux pour les femmes. »(Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) »
__ Explication de vote__
»Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. »
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine abordait la discussion de ce texte en croyant qu’il s’agissait de réparer une loi antérieure mal faite. Depuis cinq ans, avec des lois votées à la va-vite, c’est malheureusement constamment le cas. Notre débat montre d’ailleurs que la future loi sera mal faite, mais nous n’avions pas songé qu’elle pouvait cacher des arrière-pensées. En écoutant nos collègues socialistes et à voir vos réactions face à leur amendement, on ne peut s’empêcher de se poser des questions.
Lors de l’examen de la loi du 31 janvier 2007, vous utilisiez déjà l’argument selon lequel les élections partielles coûtent trop cher. Même si vous en avez d’autres, vous le reprenez aujourd’hui.
»Mme Laure de La Raudière ». Les électeurs ne se déplacent plus !
»Mme Martine Billard. » Vous tentez de passer pour progressistes en proposant la parité uniquement pour les suppléantes.
Mais vous n’avez pas répondu aux questions portant sur les effets pervers du texte, en particulier pour les élections de mars prochain. J’ajoute qu’il n’est pas dans la tradition républicaine de modifier un scrutin à cinq semaines d’élections.
»M. Guy Geoffroy ». On ne modifie pas le scrutin !
»Mme Martine Billard. » Vous en modifiez bien les conditions ! (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Tous ceux d’entre vous qui se présentent aux élections cantonales ont bien sûr prévu d’avoir une suppléante ! Ce mardi 5 février, à moins de cinq semaines du scrutin, il n’est pas très sérieux d’en modifier ainsi les règles du jeu.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne votera pas ce texte : il s’abstiendra.
Vous n’êtes pas quittes pour autant sur la question de la parité : nous continuerons à nous battre pour que celle-ci soit réelle. Nous défendons ainsi une limitation accrue du cumul des mandats. Quand vous évoquez le cumul maximum de deux mandats, il s’agit de mandats dans les grandes villes. En tenant compte des communes de moins de 3 500 habitants, il est possible de détenir trois mandats. Certains députés de cette assemblée sont aussi vice-président de conseil régional et maire de petite commune. Franchement, sur ce plan, nous sommes en France, complètement archaïque !
Nous continuerons donc à nous battre pour faire évoluer la situation, et pour une réelle parité qui ne se réduise pas à des miettes pour les femmes, quand ces messieurs veulent bien leur laisser la place. »(Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) »