Les premières annonces de relance économique montrent que certains ne tirent aucune leçon de cette pandémie et au contraire essaient même d’en tirer profit pour revenir sur de maigres avancées en termes de lutte contre les émissions de gaz à effets de serre ou de pollutions chimiques par les pesticides. Le Medef appelle ainsi à suspendre nombre de normes environnementales et sociales au nom de la relance économique.
Le patronat européen de l’automobile demande de ne pas appliquer les récentes normes d’émission de CO2 jugées trop contraignantes. Y-a-t-il vraiment urgence à relancer cette production ?
Le plan de réouverture du trafic aérien montre aussi cette tendance à repartir comme avant alors qu’il est passé de 1,665 milliards de voyageurs transportés en 2003 à 4,223 milliards en 2018. Or les premiers vols annoncés sont des vols au sein de l’hexagone alors que le rail dessert ces mêmes destinations en polluant nettement moins.
L’urgence n’est pas à relancer ces secteurs mais à investir dans l’hôpital public, dans la recherche médicale, dans l’attention apportée à nos anciens et plus largement dans la santé en relocalisant les productions qui vont avec (médicaments, matériels nécessaires ..)
__Le problème n’est pas donc pas de revenir à la normale car c’est la normale qui pose problème__
Depuis déjà plus d’une décennie, la possibilité d’un coronavirus provoquant une pandémie a été envisagée, et encore plus après le SRAS 2002, H1N1 2009 et Ebola 2014. Sans oublier les épidémies de dengue et de chikungunya qu’on a peut-être trop tendance à négliger parce que jusqu’ici elles ont surtout concerné les territoires d‘Outre-mer.
Pourtant les gouvernements ont continué avec la folie du néo-libéralisme dont la généralisation de l’économie à flux tendus accompagnée de délocalisations vers les pays à moindre coût social et environnemental. La déforestation et l’expansion humaine dans de nouveaux territoires par suite de l’augmentation de la population ont mis en contact les humains et des animaux porteurs de virus qui jusqu’ici vivaient loin de nous. Même les précédentes alertes, grippe aviaire et grippe porcine, n’ont pas arrêté cette marche vers l’abîme.
La pandémie de COVID-19 a pris une ampleur inhabituelle. Sera-t-elle enfin celle qui nous oblige à revoir nos modèles de production et d’échanges ? Elle démontre en tout cas qu’il est possible d’arrêter partout dans le monde les activités qui ne sont pas indispensables ainsi que la nécessité d’un état organisateur et planificateur.
Le confinement a cet avantage de montrer quels sont les secteurs indispensables : tout ce qui permet de s’alimenter, l’eau (en Guadeloupe et Martinique les coupures d’eau sont fréquentes à cause d’infrastructures défaillantes), la santé, l’énergie, les transports, le logement et toute l’industrie qui va avec ces besoins. C’est donc dans ces secteurs qu’il faut investir en priorité en relocalisant les productions correspondantes (et en développant l’autonomie alimentaire des territoires d’outre-mer et les synergies régionales comme le démontre l’appel aux médecins cubains en Martinique et Guadeloupe). De plus les investissements doivent intégrer l’objectif d’une économie décarbonée ce qui signifie choisir des transports non polluants, des logements isolés, des énergies renouvelables etc ..
Il met aussi en lumière la nécessité de rompre avec le modèle économique existant qui met le profit aux commandes à la place de l’intérêt général comme par exemple la fermeture d’usines de productions indispensables (masques, bouteilles d’oxygène etc .)
On voit qu’il y a de quoi créer de l’emploi. Mais il faut aussi soutenir des secteurs qui sont de grands pourvoyeurs d’emplois non délocalisables et qui sont parmi les plus touchés par les conséquences économiques du Covid19 : les cafés et restaurants, l’hôtellerie et l’hébergement de tourisme, le petit commerce non alimentaire, l’artisanat, la culture (cinéma, théâtre, spectacle vivant). Le risque de faillites de nombreuses entreprises de ces branches est indiscutable. Mais est-ce la proposition du Medef de supprimer des congés, d’augmenter les horaires de travail et de supprimer les RTT vont régler leurs difficultés ? Bien sûr que non. La consommation qui n’a pas eu lieu dans la restauration ne va pas être rattrapée ! Et ainsi de suite. Les entreprises de ces secteurs n’ont pas besoin d’une augmentation des heures de travail de leurs salariés, mais d’une aide directe pour passer ce moment difficile car nous avons intérêt au maintien de l’emploi. Pour le tourisme, on sait déjà que cet été il n’y aura pas séjours à l étranger. Est-ce un mal ? Ne serait-ce pas plutôt un bien que d’en finir avec cette prédation du tourisme de masse et d’en revenir à un tourisme plus responsable ?
Une autre des leçons de cette épidémie est de montrer que sa diffusion dépend aussi de l’urbanisme existant. Dans les métropoles où lieux de travail, d’habitat ou de loisirs sont éloignés les uns des autres et nécessitent d’utiliser des transports en commun surchargés, l’impact est d’autant plus fort, tandis qu’ailleurs l’implantation des centres commerciaux en périphérie de ville rend plus difficile le respect de mesures barrières. Une preuve de plus qu’il faut revoir l’aménagement du territoire dans une vision plus écologique.
Les collectivités locales ainsi que les entreprises privées se sont lancées dans une concurrence effrénée pour obtenir le matériel manquant en Chine. Quelle absurdité ! Mais il faut reconnaître qu’elles ont dû faire face à la mauvaise la gestion ou plutôt à l’incurie gouvernementale. Alors que l’État aurait dû jouer son rôle de planificateur au profit de l’intérêt général, Macron et Edouard Philippe ont réussi à augmenter la pagaille. Quelle tristesse, alors que c’est justement dans ce type de situation qu’une planification bien pensée, au profit de tous et s’articulant avec les capacités locales de relais serait indispensable. Comment croire que ce gouvernement est en mesure de mettre en œuvre les politiques nécessaires à l’indispensable et urgente bifurcation écologique ?
L’après-confinement peut et doit déboucher sur un autre modèle de société, plus écologique, plus solidaire, avec plus de reconnaissance pour les métiers de celles et ceux qui apparaissent indispensables. __Nous avons besoin de soignant.e.s, de caissières, d’éboueurs … pas de traders__.
__Nous n’avons pas besoin de plus de concurrence, plus de croissance, plus d’accumulation. Nous voulons rétablir la gestion du temps long plutôt que la dictature du temps court, le qualitatif plutôt que le quantitatif. Pour cela nous assumons de ne pas vouloir relancer des secteurs inutiles ou écologiquement néfastes tout en garantissant la reconversion des travailleuses et travailleurs, de s’appuyer sur des services publics au service de l’intérêt général, d’utiliser l’outil de la planification écologique pour faire face à l’urgence. Nous préférons un futur de sobriété heureuse à un futur rythmé par les angoisses d’épidémies mortelles__.