L’écosocialisme, est-ce verdir le socialisme ou repeindre en vert le capitalisme ?
Tribune parue dans le journal l’Humanité en réponse à une tribune de Yannick Jadot donnant son point de vue sur le sujet.
Faire reculer l’emprise du capitalisme
Le texte de Yannick Jadot, dans le débat sur l’écosocialisme ouvert par l’Humanité (http://www.humanite.fr/debats/la-conversion-ecologique-ne-se-fera-pas-dans-le-ca-513734)[|http://www.humanite.fr/debats/la-conversion-ecologique-ne-se-fera-pas-dans-le-ca-513734|fr], témoigne de la volonté d’engager, bien au-delà d’EELV, un débat de fond entre les forces qui se réclament de l’écologie, dont le Parti de gauche, sur les moyens et les médiations politiques susceptibles d’engager une transition écologique rendue plus que jamais incontournable. Le député européen exprime, comme une grande partie de la gauche, son scepticisme sur le « marché libre et non faussé au mépris des citoyens ». On ne peut s’empêcher d’y voir une critique en creux de la politique européenne actuelle largement soutenue par le gouvernement français. Mais, en même temps, cette tribune, bien que dressant un constat avec lequel nous avons beaucoup de points en commun, demeure floue.
Ainsi, se contenter de refuser de « verdir le socialisme ou de repeindre en vert le capitalisme » nous semble vraiment trop court. Plus explicitement, Pascal Durand, secrétaire national d’EELV, expliquait que son projet n’était pas écosocialiste mais « éco-écologiste » (interview dans Politis) renvoyant, à l’instar de l’idéologie libérale, le socialisme au musée des archaïsmes. Il y a là un désaccord de fond. Si l’écologie analyse avec pertinence les rapports entre l’homme et son environnement, elle ne dit rien en revanche des rapports entre les êtres humains. Les rapports sociaux, et encore plus la question de la propriété des moyens de production, ont toujours été un des points aveugles de la doctrine verte. D’où l’incompréhension de l’importance du dépassement du capitalisme. Il ne s’agit pas d’ajouter une touche de modernisme à un ensemble vermoulu mais de procéder à une nouvelle synthèse, l’écosocialisme, pour faire face aux exigences du XXIe siècle. Nous n’avons jamais proposé d’attendre la sortie du capitalisme pour engager la transition écologique. Mais pour répondre réellement au défi écologique, il faut faire reculer la logique marchande et donc l’emprise du capitalisme sur la société.
L’autre divergence porte sur le cadre spatial et les moyens de changement de modèle. Yannick Jadot exprime sans fard son aversion tant pour l’État central qualifié d’« autorité jalouse » qu’en direction de la nation assimilée aux « chimères d’une nouvelle ligne Maginot ». Si la lutte contre le réchauffement climatique doit être mondiale, car les gaz à effet de serre ne respectent pas les frontières, les pays riches ont toutefois une responsabilité particulière liée à leur mode de vie et aux gaspillages du passé. De la même manière qu’il ne s’agit pas d’attendre la société socialiste pour se préoccuper d’écologie, on ne peut pas non plus espérer que tous les pays se mettent d’accord pour engager le chemin vers la transition écologique. Si nous appelons à un nouvel internationalisme, c’est-à-dire une coopération entre les peuples à mille lieues de la lutte de tous contre tous que supposent la « compétitivité » et le libre-échange, l’État nation reste, pour de nombreuses années encore, le meilleur outil pour organiser la régulation et les politiques écologiques. Sinon, nous nous condamnons à l’impuissance. Ce n’est pas un hasard si l’État constitue la cible principale des politiques libérales du FMI et de l’Union européenne. Au surplus, il est impératif de penser l’avenir en termes de relocalisation industrielle, d’autosuffisance alimentaire et de circuits courts, ce qui exclut la fuite en avant dans la mondialisation au profit des multinationales.
L’État n’est pas diabolique par essence mais exprime les rapports de forces entre les classes à un moment donné, il n’a pas d’autonomie en soi. Il n’est pas voué à construire des centrales nucléaires et à promouvoir l’agriculture intensive. La planification écologique, c’est l’État au service de la transition. Yannick Jadot mélange donc dans sa critique orientations politiques de la social-démocratie, qui n’a toujours pas compris la nature des enjeux écologiques, et projet de société nécessaire au dépassement du capitalisme. La conversion écologique ne peut effectivement se réduire à verdir des politiques sociales-démocrates qui ne sont que des politiques productivistes. Cela n’a rien à voir avec l’écosocialisme.
Le Manifeste pour l’écosocialisme peut être téléchargé sur le site du PG
http://www.lepartidegauche.fr/system/documents/Ecosocialisme-Premier_manifeste.pdf
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