Le vote solennel aura lieu mardi après la séance de questions d’actualité. Chaque groupe aura 5 minutes d’explications de vote (je ferais celle du groupe GDR) et donc le vote se produira aux environs de 16h45-17h selon la durée de l’intervention de la ministre.
Cette seconde lecture n’aura rien permis de modifier, le gouvernement en ayant fait une question de principe et un affrontement gauche-droite dans lequel il ne fallait évidemment pas donner l’impression que ce gouvernement reculait. Plutôt voter des absurdités que de laisser croire que cette loi n’est pas parfaite ! Le grand gourou qui nous gouverne ne peut quand même pas se tromper !
Et pourtant que d’idioties dans cette loi sans même parler du fonds. Ainsi les abonnés internet n’auront aucun moyen de prouver leur bonne foi si leur connexion a été piratée et l’obligation d’installer un mouchard sur son ordinateur, outre que cela relève du phantasme technologique, sera aussi impossible techniquement à démontrer. Mais, comme l’a montré le cri du cœur de nombreux députés UMP obligés d’être présents en séance pour ne pas courir le risque de voire adopter des amendements dont le gouvernement ne voulait pas , celui-ci n’allait quand même pas se laisser arrêter par des détails techniques !!!
La coupure de la connexion se fera à la tête du client et c’est là le point principal qui pourrait entraîner la censure du Conseil constitutionnel que les deux groupes SRC et GDR de l’Assemblée nationale vont saisir. En effet tout au long des débats, le rapporteur a confirmé ce qui apparaissait de façon plus ou moins claire dans la loi, tous les abonnés ne seront pas sanctionnés de la même façon.
Déjà, il n’y a aucune précision inscrite dans le texte du projet de loi ni apportée dans les débats sur le nombre de téléchargements abusifs qui pourront entrainer le premier mail d’avertissement puis la coupure. La ministre a précisé que cette loi était une loi pour faire peur, pour créer un cadre psychologique et qui visait ceux qui téléchargent sans payer avec opiniâtreté. Trois concepts pourtant totalement extérieurs au droit !
Lors de la deuxième lecture, le rapporteur a précisé que l’usage professionnel serait pris en compte. Difficile en effet de couper la connexion internet des professions de santé ou des professions libérales telles les avocats, les notaires etc … Mais cela n’a pas empêché le rejet de l’amendement socialiste qui cherchait à protéger les entreprises de la possibilité de coupure et les chefs d’entreprises de TPE, notamment les artisans, de l’obligation de sécuriser leur connexion.
Cela signifie donc que la Hadopi pourra décider que face à la même accusation, certains auront leur connexion interrompue (les personnes physiques, les associations qui n’auront pas l’heur de plaire ?) et d’autres non (entreprises professions libérales ?). Il y a là une rupture d’égalité devant la loi susceptible de la censure du Conseil constitutionnel.
Espérons donc qu’il censura cette disposition, d’autant plus que le maintien du paiement de l’abonnement pendant cette coupure, est contraire au code de la consommation puisqu’il n’y a plus fourniture de service et que le parlement européen a réaffirmé son opposition à une telle disposition hors décision judiciaire.
Mais ce débat, ce sont aussi les outrances entendues : Christine Albanel expliquant que la Hadopi ce n’est pas la Gestapo, cherchant à faire croire que c’était le type de discours des opposants à cette loi ; Maxime Le Forestier faisant un parallèle plus que douteux et inadmissible sur Europe 1 entre téléchargement abusif et pétainisme. J’aurai ainsi appris ce qu’était le point Godwin.
Et en point d’orgue, comme pour illustrer encore plus les mélanges entre pouvoir politique et médias, c’est le licenciement d’un journaliste de TF1, qui trop confiant ou trop naïf avait cru possible, en tant que citoyen, d’informer sa députée, Françoise de Panafieu, des critiques qu’il portait à cette loi. On a alors assisté lors de la séance de jeudi après-midi à des explications confuses sur le thème j’y suis pour rien, c’est pas moi, j’ai juste appuyer sur un bouton etc . Alors __qui a transmis ce mail à TF1__ ? Ce journaliste se retrouve aujourd’hui au chômage parce qu’un affidé du pouvoir s’est empressé de faire de la délation. Hélas, difficile d’espérer qu’après avoir dénoncé de manière anonyme, celui qui a fait cela aura le courage de reconnaître son forfait.
Le minimum serait que le journaliste soit réintégré à TF1 s’il le souhaite, que des dommages et intérêts conséquents lui soit versés, que Françoise de Panafieu ait un rappel à la loi pour transfert de correspondance privée sans autorisation de son auteur et que le délateur du ministère de la culture soit renvoyé et condamné par la justice.
Cet épisode montre aussi la nécessité encore plus impérieuse de rappeler que les messages échangés par l’intermédiaire des messageries relèvent de la correspondance privée, telle que protégée par le code des postes et télécommunications électroniques. Or il nous a fallu batailler ferme pour empêcher que les messageries soient inclues dans le contrôle de l’internet tel qu’instauré par cette loi contre le rapporteur de la loi qui s’obstinait « avec opiniâtreté » comme dirait sa ministre à vouloir l’imposer.
En conclusion, cette loi introduit des grandes premières dans le droit français :
– la mise à bas de la présomption d’innocence
– la surveillance d’internet par des sociétés privées sans décision judiciaire
– la suppression d’un service de plus en plus jugé indispensable sans décision judiciaire
Une bonne partie de cette loi est inapplicable techniquement et ceux qui téléchargent massivement sans respecter les droits d’auteurs seront aussi ceux qui sauront le mieux échapper à la détection de la Hadopi.
Cette loi n’apportera rien aux droits d’auteurs une fois de plus et en attendant on a encore pris du retard pour concevoir un nouveau modèle culturel qui tienne compte de ce formidable outil de diffusion qu’est internet et de la rémunération nécessaire et indispensable des artistes.