Dès que le gouvernement d’un pays refuse d’appliquer les recettes internationales du libéralisme, qui en Amérique Latine comme ailleurs exige de tout privatiser et de supprimer tout ce qui pourrait être des entraves à la toute puissance de la finance, il est taxé de dictatorial, de non respect de la démocratie. Et s’il est impossible de le renverser par le scrutin électoral, alors entrent en action tous les mécanismes possibles de déstabilisation. En Équateur, Rafael Correa a été élu président de la République pour la première fois le 26 avril 2006 au second tour avec 54,86% des voix. Comme promis pendant sa campagne il a appelé à référendum pour mettre en place une assemblée constituante.
La nouvelle constitution issue de ces travaux a été adoptée le 28 septembre 2008 par 64% des électeurs avec entre autres les points suivants
* le droit de tous aux soins médicaux, à la nourriture, à la sécurité sociale et à l’éducation
* la gratuité des soins pour les personnes âgées ;
* le renforcement du contrôle de l’État sur les ressources essentielles, tels le pétrole et les minerais ;
* la possibilité d’exproprier et de redistribuer les terres arables inusitées ;
* la légalisation des mariages homosexuels ;
* la possibilité pour le président de se présenter pour un second mandat.
* la reconnaissance d’une autonomie juridique pour les peuples autochtones du pays
A la nouvelle élection présidentielle qui s’en est suivie le __26 avril 2009, Rafael Correa a été élu selon la nouvelle constitution par 51,95% des voix au premier tour__. Faute d’avoir pu l’écarter par les urnes, le 30 septembre 2010 un coup d’état policier éclate et séquestre le président qui est libéré par l’armée.
Nouvelle élection présidentielle __le 17 février 2013 où de nouveau Rafael Correa est élu au premier tour avec 57,17% des voix__. Vraiment désespérant pour tous ceux qui le honnissent et qui cherchent à le faire passer pour un dictateur !
La prochaine échéance électorale est en 2017 et les grandes manoeuvres recommencent du côté de l’opposition. Profitant du séjour du président hors du pays pour assister à la conférence entre l’Union Européenne et la CELAC (Communauté d’États latino-américains et caraïbes), l’opposition a appelé à des manifestations qui ont pris une tournure violente. Le motif en est la décision du gouvernement de modifier la loi qui taxe les héritages.
Actuellement, l’impôt ne concerne que les personnes percevant un héritage d’une valeur supérieure à 68 800 dollars, soit en gros 61 232 euros.__ En 2012, les 20% les plus riches s’accaparaient encore 52,5% des revenus (5 points de moins qu’en 2006), alors que les 4,1% les plus pauvres ne recevaient que 4,1% de la richesse nationale.__ Ce sont en fait surtout les classes moyennes qui ont profité d’une meilleure redistribution. Les grandes entreprises représentant 10% de l’activité du pays se sont attribuées 95,8% de la valeur des ventes en 2010. En 2013, l’Equateur était le pays avec la taxation des bénéfices la plus faible après le Chili, avec une moyenne de 34,6% contre 57% à l’échelle de la région.
Certes __la pauvreté a diminué de 10 points entre 2006 et 2012__, mais il reste encore beaucoup à faire.
Le président Correa a donc décidé de présenter une __loi de redistribution de la richesse, contre les plus-values immobilières et de lutte contre l’évasion fiscale. Les recettes ainsi dégagées seront reversées aux programmes sociaux.__ Le taux d’imposition variera de 2,5 à 77,5 %.
Actuellement l’impôt est exigible à partir d’un héritage d’une valeur de 68 800 dollars.__ Seulement 3 pour mille équatoriens reçoivent un héritage__, ils ne sont que 3 sur cent mille à en recevoir un d’une valeur supérieure à 50 000 dollars et entre 2010 et 2014, seulement 5 en ont reçu un supérieur à 1 million de dollars.
Dorénavant les héritiers en ligne directe (enfants, parents, grands-parents, petits-enfants) ne seront pas imposables en dessous de 35 400 dollars (31 500 euros) soit 100 fois le salaire minimum (354 dollars mensuels qui concerne 18,17% de la population active).
A comparer avec la France où l’impôt (sauf récemment entre conjoints) est dû une fois décompté un abattement de 100 000 euros. Si on compare par rapport au niveau du salaire minimum, on voit que la proportion est identique.
L’impôt est ensuite progressif jusqu’à 47,5% pour les montants supérieurs à 566 400 dollars (504 096 euros) avec un taux maximum de 77,50 % pour un héritage dépassant les 849 600 dollars (756 322 euros).
En cas de transmission d’entreprise d’une valeur supérieure à un million de dollar, l’imposition est de 329 mille dollars selon la loi actuelle. Avec la nouvelle loi l’héritier sera exonéré d’impôt s’il transfère en actions à ces salariés cette somme due à l’État.
Cette loi n’a donc rien d’une spoliation, mais c’en est encore trop pour les plus riches. Selon le ministre de la Politique économique, Patricio Rivera, “la loi sur les héritages vise le secteur le plus élevé de la société, les 0,1% plus riches (….), __98% des Équatoriens ne paieront pas un centime__”.
On a donc vu hommes d’affaires et ultra-riches soutenus par la droite descendre dans la rue ces derniers jours et exiger le départ du président. Ils n’ont pas honte !
Leur tentative est vouée à l’échec, déjà leur nouvel appel à manifester hier, contre le retour du tyran, rien que cela !, a fait un flop.
__La révolution citoyenne équatorienne continue pour plus de justice sociale.__