La gestation pour autrui : une extension du domaine de l’aliénation !

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Dans un contexte de relance du débat sur la « gestation pour autrui » dans le cadre du projet de loi sur la bioéthique, le collectif  »Le Corps n’est pas à vendre » a lancé un appel pour l’abolition de toute forme de marchandisation du corps féminin et pour l’abolition de la pratique des mères porteuses. Vous pourrez en retrouver le texte et des analyses sur le blog [GPA : extension du domaine de l’aliénation|http://nonalagpa.blogspot.com/|fr], et signer cet appel [en ligne|http://www.petitions24.net/appel_contre_le_marche_des_ventres-|fr].

Je vous livre ci-dessous la tribune, dont je suis cosignataire, publiée par le journal  »Le Monde » dans son édition du 8 février 2011.
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__La gestation pour autrui : une extension du domaine de l’aliénation !__

Aujourd’hui encore, on considère trop souvent le corps des femmes comme un objet disponible. On attend d’elles qu’elles se dévouent, d’une façon ou d’une autre, qu’elles se donnent ou qu’elles se vendent.

Les innovations de la médecine procréative, précieuses pour combattre l’infertilité, comme la fécondation in vitro (FIV) et la transplantation d’embryons, permettent de séparer la fécondation de l’enfantement lui-même (grossesse et accouchement). C’est ainsi qu’est devenue possible l’idée d’utiliser le ventre d’une femme pour porter un embryon destiné à d’autres.

L’utilisation de « mères de substitution » ( »surrogate mother ») s’est ainsi répandue dans certains États américains, en particulier en Californie, où s’affichent sans fard des annonces de « ventres à louer » ( »wombs for rent », 2, ‘,’,’,NOW()), ce qui n’empêche pas ce marché de se délocaliser dans les pays pauvres, en Europe de l’Est ou en Inde, où les femmes étant beaucoup plus pauvres, les tarifs sont nettement moins élevés.

Jusqu’ici, la France, comme la plupart des pays européens ou le Japon, a jugé cette pratique incompatible avec le respect dû à la personne et à son corps. Certains, à gauche comme à droite, proposent pourtant de l’introduire dans notre droit sous le nom aseptisé de « gestation pour autrui », pour assurer à tous « le droit de fonder une famille », en tâchant d’éviter toute « commercialisation ». Un débat de fond a eu lieu, en 2010, sur la question, amenant à de premières prises de position d’élus socialistes, communistes, du Parti de gauche ou d’Europe Écologie-Les Verts, le bureau national du Parti socialiste s’étant prononcé pour l’interdiction des mères porteuses le 14 décembre 2010.

Quand certains évoquent une logique généreuse du « don », force est de constater en effet, dans la pratique, que le bénévolat n’existe pas en ce domaine. Là où elle est autorisée, même très encadrée, comme au Royaume-Uni, la maternité pour autrui est toujours rémunérée, sous forme de salaire ou de « dédommagement », bien au-delà de la couverture des frais médicaux. Et comment pourrait-il en être autrement ? Qu’une femme mette gratuitement ses organes et neuf mois de sa vie à disposition d’autrui sans contrepartie financière n’est imaginable que dans des cas tout à fait exceptionnels (comme pour les dons d’organes entre parents, et encore, pour sauver une vie). Mais la maternité pour autrui ne peut justement pas se pratiquer dans un cadre intrafamilial en raison des implications indirectement incestueuses qu’elle comporterait (tout le monde s’accorde là-dessus). C’est pourquoi, là où elle est permise, cette pratique donne toujours lieu à une rétribution de la grossesse et fixe un prix à l’enfant ainsi « produit ». L’enfantement devient alors un service social et la sphère économique s’empare de la vie la plus privée et la plus intime d’une personne.

Loin de pouvoir s’inscrire dans le registre du don gratuit, toute forme de légalisation de cette pratique engage donc une marchandisation du corps féminin et de l’enfant. Ce nouveau marché du corps est ainsi indissociable de toute « gestation » pour autrui et n’en constitue nullement une « dérive » que l’on pourrait éviter.

Il faudrait rester aveugle au développement d’un marché procréatif mondial – sur lequel les gamètes et les ventres s’échangent, pour le plus grand profit de cliniques et d’instituts spécialisés – pour oser encore rattacher la mise à disposition du corps des femmes à un échange « altruiste ».

Le marché des ventres, là où il est autorisé, constitue en fait une incitation à se vendre pour les femmes les plus vulnérables, une forme nouvelle d’exploitation et de servitude.

On ne peut assimiler la grossesse, qui concerne la vie la plus intime d’une femme, à un travail social au terme duquel la « gestatrice » remettrait finalement son produit à des commanditaires. Il faut se faire une étrange idée du rapport des femmes à leur vie propre et à leur corps pour croire qu’elles peuvent vivre neuf mois, jour et nuit, au service d’autrui sans aliéner profondément leur personne.

De plus, là où la pratique a été légalisée, les contrats d’engagement d’une « mère porteuse » entraînent une véritable mise sous tutelle de sa vie la plus intime : son alimentation, son mode de vie, sa sexualité, l’obligation d’avorter dans certains cas, etc. Pour ne rien dire de l’accouchement, avec ses risques non négligeables (épisiotomie, césarienne, voire hémorragie), qui se trouve alors inclus sans scrupules dans le cadre d’un échange commercial.

Dans la pratique, contrairement à ce qu’affirment ses partisans, les contrats de mères porteuses donnent lieu à une multiplication de conflits souvent dramatiques entre les femmes qui s’y prêtent et ceux qui les utilisent. Quant aux nombreux risques physiques et psychologiques (pour la femme et pour l’enfant qu’elle porte), qui pourra les évaluer ? Nous soutenons par conséquent que la maternité pour autrui constitue en réalité une aliénation profonde de la personne tout entière et une marchandisation de son corps et de celui de l’enfant ; qu’elle est par là contraire aux droits fondamentaux de la personne et à la dignité de son corps, et qu’elle ne saurait être légitimée par des désirs ou des intérêts subjectifs. Il ne peut y avoir de « droit à l’enfant ».

Loin d’être un progrès, toute légalisation de cette pratique représenterait une régression du droit, une extension du domaine de l’aliénation et un mauvais combat pour la gauche et pour les femmes. Nous appelons toutes celles et tous ceux qui sont attachés aux droits de la personne humaine à se prononcer pour le maintien de l’illégalité du marché des ventres en France et à lutter pour son abolition là où il existe, en particulier au sein de l’Union européenne. Tel devrait être, sur cette question importante pour la dignité des femmes, l’engagement de tout candidat de gauche à l’élection présidentielle de 2012.
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__La liste des premiers signataires de l’appel contre le marché des ventres__ est disponible sur [le blog du Collectif|http://nonalagpa.blogspot.com/|fr]. Voici quelques noms.

Les député(e)s du Parti socialiste (PS), du Parti communiste français (PCF), du Parti de gauche (PG) et de Europe Ecologie-Les Verts : __Patricia Adam, Huguette Bello, Martine Billard, Marie-Odile Bouillé, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, Marie-Georges Buffet, André Chassaigne, Alain Claeys, Marie-Françoise Clergeau, Yves Cochet, Michèle Delaunay, Bernard Derosier, Laurence Dumont, Philippe Duron, Martine Faure, Geneviève Fioraso, Jean Gaubert, Maxime Gremetz, Elisabeth Guigou, François Hollande, Armand Jung, Jean-Yves Le Déaut, Annick Le Loch, Marylise Lebranchu, Patrick Lemasle, Michel Liebgott, Sandrine Mazetier, Anny Poursinoff, Catherine Quéré, Daniel Vaillant, Michel Vaxès, Jean-Michel Villaumé__ ;

Les sénateurs/trices __Nicole Borvo Cohen-Seat, Nicole Bricq, Robert Hue, Catherine Tasca__ ;

Le député européen __Kader Arif__ ;

Les associations [Choisir la cause des femmes|http://www.choisirlacausedesfemmes.org/|fr], [Libres Mariannes|http://www.libres-mariannes.net/|fr] et le [Planning Familial|http://www.planning-familial.org/|fr] ;

Ainsi que, parmi les 200 premiers signataires de l’appel : __Sylviane Agacinski__, philosophe, __Laurence Azoux Bacrie__, avocate, co-responsable de la commission santé et bioéthique de l’Ordre des avocats, __le docteur Joëlle Brunerie-Kauffmann__, gynécologue, __Francine Caumel-Dauphin__, présidente de l’organisation nationale des syndicats des sages-femmes, __le professeur Bernard Debré__, __Catherine Dolto__, psychothérapeute, __Caroline Eliacheff__, psychanalyste, __Claude Évin__, ancien ministre de la solidarité et de la santé, __Viviane Forrester__, écrivain, __le professeur René Frydman__, __Gisèle Halimi__, avocate, __Caroline de Haas__, porte-parole de Osez le féminisme, __Emmanuel Hirsch__, philosophe, directeur de l’Espace éthique Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP), __Lionel Jospin__, ancien premier ministre, __Danièle Jourdain-Menninger__, professeure associée, __Axel Kahn__, président de l’université Paris-Descartes, __Marin Karmitz__, producteur, __Bruno Laforestrie__, président de la radio Génération, __Alain Lhostis__, ancien président délégué de l’APHP, __le professeur Olivier Lyon-Caen__, __Christiane Marty__, membre d’Attac et auteure de  »Mondialisation de la prostitution », __Laurence Rossignol__, vice-présidente du Conseil régional de Picardie, __Yvette Roudy__, ancienne ministre des droits de la femme, __Marcel Rufo__, pédopsychiatre, __Michèle Sabban__, vice-présidente de la région Ile de France, présidente de l’Assemblée des régions d’Europe, __Sabine Salmon__, présidente nationale de Femmes solidaires, __Annie Sugier__, présidente de la Ligue du droit international des femmes, __Maya Surduts__, secrétaire générale de la CADAC (Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception), __Myriam Szejer__, pédopsychiatre, fondatrice de l’association La Cause des bébés, __Henriette Zoughebi__, vice-présidente du Conseil régional Ile de France et présidente de l’association  »L’égalité, c’est pas sorcier ! »


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