Tribune des neuf parlementaires Verts parue dans Libération d’aujourd’hui
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NOUS N’IRONS PAS A VERSAILLES
Le Président de la République nous fait savoir par voie de presse qu’il
va s’exprimer devant le Parlement. Cette possibilité inédite est issue
de la réforme constitutionnelle votée il y a un an et à laquelle les
Verts s’étaient opposés.
La France cumule les inconvénients du régime présidentiel sans les
avantages des contre-pouvoirs du Parlement. C’est un peu : « cause
toujours, tu m’intéresses, mais c’est moi qui décide ». La France, n’a
plus de Premier Ministre, elle doit se contenter d’un Parlement croupion
dont le droit d’amendement vient d’être supprimé d’un trait de plume.
Alors que deux semaines par mois devaient être consacrées au contrôle de
l’action du Gouvernement et aux initiatives des parlementaires, le
gouvernement surcharge l’agenda d’une pluie de textes redondants et mal
préparés, dont la plupart tiennent plus de l’affichage que de la réelle
prise en compte des besoins des Français. Les sessions extraordinaires
et les séances supplémentaires sont devenues la règle. Ainsi
réquisitionnés, les parlementaires ne sont plus en mesure d’assurer leur
travail législatif, que ce soit en circonscription et dans leur
département. ou dans les deux assemblées où ils doivent assumer
simultanément séances publiques et réunions de commissions.
Une communication chassant l’autre, le texte définitif du Grenelle n’est
qu’une pâle copie de l’original qui fait encore une place de choix aux
lobbies. En revanche, c’est en catimini, qu’un soir au Sénat, fut votée
la fusion des Caisses d’épargne et des banques populaires… Bien après la
nomination de François Pérol à la tête du groupe, au mépris de la
commission de déontologie.
Prendre davantage en compte l’avis des parlementaires était un autre
objectif annoncé : dans les faits, les textes arrivent en cascade et
trop souvent en urgence, débattus une seule fois dans chaque chambre,
afin de passer en force quand les parlementaires résistent. Ainsi de la
loi « Hôpital, Patients, Santé, Territoires » quand la Ministre Roselyne
Bachelot a obtenu du Sénat la suppression de l’Agence de Sécurité
Sanitaire de l’Environnement et du Travail , sans que les députés ne
puissent se prononcer sur cette proposition.
Le cynisme et l’urgence sont devenus un mode de gouvernement. En France,
lorsqu’une loi, comme Hadopi, est rejetée par les députés, condamnée par
le Parlement européen et censurée par le Conseil Constitutionnel, le
Président s’assoit sur les institutions pour faire passer son projet et
porte atteinte à la séparation des pouvoirs, principe fondamental du
droit français.
L’examen en séance publique du texte sorti des commissions est un leurre
qui masque un grand appauvrissement des pouvoirs de l’opposition, de la
transparence et de l’autonomie du Parlement : en effet, les ministres «
campent » désormais dans les commissions, par le truchement de leurs
équipes qui font le siège dans les couloirs pour faire pression sur
leurs parlementaires. On masque au peuple la façon dont se fait la loi
et on parsème d’embûches la légitimité d’expression de chacun de ses
représentants.
Voilà, au quotidien, la réalité de la réforme constitutionnelle qui
accompagne la précipitation et l’omniprésence du Président et de son
docile gouvernement. Il fait passer le renflouement des banques et
l’archaïsme des grands patrons de l’industrie automobile, avant la
sauvegarde des paysans ; ses errances sur le nucléaire avant la
sauvegarde de la planète ; la fouille des cartables avant la la lutte
contre la pauvreté…
Le Président et ses barons nous annoncent déjà leurs prochaines
initiatives anti-sociales : casse de la branche maladie de la Sécurité
sociale, au profit des assurances complémentaires, ballons d’essais sur
la retraite à 67 ans… Le tout, faussement maquillé par de fallacieuses
promesses de « croissance verte »…
Et vous voudriez que nous approuvions cette démocratie atrophiée,
asphyxiée, anémiée, qui charrie l’abstention, la dépolitisation, et
relègue les classes populaires dans l’exclusion ?
Pour protester contre la dérive anti-parlementaire qui caractérise la pratique sarkozyste des Institutions, nous boycotterons le discours de Versailles. Le Parlement n’est pas une cour.