Question au gouvernement sur l’Hôtel Lambert

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L’Hôtel Lambert est un élément remarquable du patrimoine du 4e arrondissement. La Commission du Vieux Paris et les associations de protection du patrimoine, notamment [Sauvegarde et Mise en valeur du Paris historique|http://www.paris-historique.org/|fr], ont alerté sur les projets de travaux du nouveau propriétaire des lieux. [Un blog|http://lambert.over-blog.org/|fr] a été ouvert.

Hier, en séance à l’Assemblée, j’ai questionné la ministre de la Culture, qui décidera in fine d’accorder les autorisations ou pas, sur le devenir de ce monument historique. Voici le compte-rendu des débats.
__Première séance du mardi 24 mars 2009__

__Questions orales sans débat__

__Préservation de l’hôtel Lambert dans le 4e arrondissement de Paris__

__M. le président.__ La parole est à Mme Martine Billard, pour exposer sa question, n° 576, relative à la préservation de l’hôtel Lambert dans le 4e arrondissement de Paris.

__Mme Martine Billard.__ Madame la ministre de la culture et de la communication, l’hôtel Lambert, situé 2 rue Saint-Louis-en-l’Île, et 1 quai d’Anjou, dans le 4e arrondissement de Paris, est un hôtel particulier classé monument historique. Chef-d’œuvre de jeunesse de Louis Le Vau, avec la collaboration des architectes Le Brun et Le Sueur, c’est le seul hôtel de la fin du règne de Louis XIII parvenu pratiquement intact jusqu’à nous. Les remaniements successifs n’ont jamais altéré ni sa distribution ni l’authenticité de sa structure.

Or ce bâtiment exceptionnel fait l’objet d’un projet pour le transformer en résidence de grand luxe. La commission du vieux Paris s’est émue de l’étendue du programme de transformations qui prévoit une vingtaine de chambres dotées d’ascenseurs, d’autant de salles de bain et d’une climatisation. Ce projet sacrifie les distributions anciennes et certaines dispositions architecturales originelles. Il entraîne le percement de trémies dans les planchers et de saignées dans les maçonneries, au risque d’endommager les décors et les structures.

La commission du vieux Paris a également protesté contre la dépose des menuiseries extérieures, datant du XVIIe au XXe siècle, et contre la réalisation de vastes locaux techniques sous la cour et le jardin, en particulier d’un parking dont la sortie sur le quai d’Anjou affecterait le soubassement des immeubles du quai, site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Devant la mobilisation des associations et l’opposition du maire de Paris, quelques améliorations très insuffisantes ont été apportées. L’économie générale du projet reste en effet notoirement incompatible avec la préservation de cet élément patrimonial majeur.

La commission nationale des monuments historiques a conditionné sa réalisation à certaines recommandations imposant des restrictions afin de préserver le bâtiment et, notamment, sa décoration intérieure. Le problème de la climatisation de l’hôtel demeure toutefois non résolu. Son installation porterait évidemment atteinte à l’intégrité des boiseries et huisseries sans compter les dégâts ultérieurs qu’elle pourrait provoquer. De plus, ce serait une aberration environnementale contraire au Grenelle de l’environnement.

Madame la ministre, comptez-vous suivre les propositions de la commission nationale des monuments historiques et vous opposer à la mise en place d’une climatisation ainsi qu’à la surélévation du mur d’enceinte ? La préservation de ce monument l’exige comme celui du droit de l’urbanisme dans l’Île Saint-Louis.

__M. le président.__ La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

__Mme Christine Albanel__,  »ministre de la culture et de la communication ». Madame la députée, l’hôtel Lambert est en effet un véritable joyau, classé en totalité au titre des monuments historiques sur la fameuse liste de 1862 des premiers édifices français protégés. Le nouveau propriétaire de cet hôtel privé, rappelons-le, a défini son projet de restauration avec, évidemment, un architecte en chef. Ce projet doit ensuite être approuvé par le ministère de la culture.

Dans le cas précis, j’ai souhaité, comme me le permet la loi, prendre moi-même la décision au lieu de la laisser au directeur régional des affaires culturelles afin de disposer d’un délai d’un an, temps nécessaire à une instruction approfondie. J’ai demandé à ce qu’un comité scientifique restreint soit créé pour orienter les choix de restauration et assurer le suivi même de ces opérations. Ce comité, composé notamment de grands universitaires historiens de l’art et qui comprend également Jacques Thuillier et Alain Mérot, s’est déjà réuni à cinq reprises depuis le dépôt de la demande d’autorisation de travaux en août 2008 et joue un rôle important dans la vérification de chacune des propositions de restauration.

Je rappelle en outre que l’architecte en chef est M. Alain-Charles Perrot, qui a mené la restauration d’un monument de première importance, comme l’hôtel de la marine.

L’étude préalable établie par M. Alain-Charles Perrot a abouti à un document de plus de quatre mille pages qui a servi de base au travail de réflexion des différents spécialistes qui ont eu à intervenir au cours de l’instruction de ce dossier. Tout a été mis en œuvre pour que celle-ci soit conduite avec une grande rigueur et dans l’intérêt de la conservation du patrimoine.

Beaucoup d’informations très fantaisistes ont circulé sur ce dossier.

On a dit par exemple qu’on allait créer douze salles de bain, quatre ascenseurs et qu’un parking allait déstabiliser le monument. Or, je le rappelle, les douze salles de bain existent déjà, aucune autre ne va être créée ; elles seront simplement rénovées. L’hôtel Lambert n’est pas un musée qu’on transforme en habitation. C’était déjà une habitation, constituée d’ailleurs d’éléments assez disparates. La rénovation va se faire dans les règles de l’art.

De même, trois ascenseurs existent déjà. Le propriétaire a simplement demandé qu’on étudie la possibilité d’en ajouter un quatrième. C’est la seule demande importante qu’il ait formulée. Ce quatrième ascenseur a fait l’objet de beaucoup d’attention. Nous avons demandé et obtenu qu’il préserve un plafond remarquable et un escalier du XIXe dû à l’architecte Lassus.

Enfin, le parking n’est plus creusé sous le jardin, avec sortie quai d’Anjou, comme cela avait été un temps envisagé. Il occupera un volume disponible sous la cour, avec sortie rue Saint-Louis-en-l’Île.

J’ajoute enfin que la restauration de la galerie d’Hercule, qui est un vrai joyau, sera confiée aux mêmes équipes que celles qui ont dirigé la restauration de la galerie d’Apollon au Louvre, et de la galerie des glaces à Versailles. Ce sont aujourd’hui les meilleures dans la restauration de Le Brun. Je les connais pour avoir travaillé de très près avec elles.

Après ce long et nécessaire travail de mise au point du projet définitif de restauration, la commission nationale des monuments historiques, que j’avais saisie comme il est d’usage pour un tel monument, a examiné l’ensemble du dossier le 9 mars dernier et n’a pas hésité à apporter à l’unanimité un avis favorable au projet de restauration, reprenant ainsi les conclusions des inspecteurs généraux rapporteurs du dossier. Les préconisations données seront suivies avec attention.

Dans les jours qui viennent, après que la ville de Paris aura donné un avis au titre du code de l’urbanisme, on prendra une décision sur l’autorisation sollicitée par le propriétaire en prenant largement en compte l’ensemble des observations formulées par la commission.

Compte tenu de toutes les précautions dont on s’entoure, j’aimerais conclure sur l’opportunité qui s’ouvre pour cet hôtel, qui était vraiment en mauvais état.

L’actuel propriétaire l’a ouvert largement et beaucoup de journalistes ont pu en rendre compte. La voûte même de l’exceptionnelle galerie peinte de Charles Le Brun présente des fentes de plusieurs centimètres. Cette restauration, dont le coût avoisinera les 30 millions d’euros, constitue donc une chance importante pour l’hôtel Lambert. C’est l’occasion de voir traiter de nouveau un hôtel particulier dans ses fonctions inchangées de grands volumes de vie. Je le répète, jusqu’à une date fort récente, l’hôtel Lambert était divisé en plusieurs espaces d’habitation assez disparates.

Tout cela pour dire que nous prêtons la plus grande attention à cette restauration qui donnera un résultat dont chacun pourra se féliciter, y compris les spécialistes.

__M. le président.__ La parole est à Mme Martine Billard.

__Mme Martine Billard.__ La réhabilitation est en effet une bonne chose. Heureusement, cependant, que la mobilisation a empêché la réalisation de certaines modifications prévues dans le projet initial.

La commission a rendu un avis à l’unanimité, avec quelques réserves, néanmoins. C’est sur ces dernières que je souhaitais avoir plus de précisions, notamment sur la création d’une salle de bain au-dessus de la très célèbre galerie d’Hercule peinte par Charles Le Brun, et sur la surélévation du mur d’enceinte. Il semble que cela ne soit plus d’actualité.

Si les réserves de la commission nationale des monuments historiques sont levées, on pourra se retrouver sur un beau projet, pour lequel il aura toutefois fallu se battre afin d’éviter quelques désastres.


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